Le projet de loi fédéral S-201 a plusieurs mérites, à commencer par celui d'exister. Il provoque un nécessaire débat sur la génétique, qui tarde encore à se faire dans le grand public.

L'initiative vient du sénateur libéral indépendant James Cowan. Elle porte sur l'utilisation des tests génétiques, qui diagnostiquent des maladies ou évaluent la prédisposition à en être atteint. Selon le projet de loi, un employeur, assureur ou autre fournisseur de service ne pourrait exiger qu'une personne se soumette à un tel test. Et si on a déjà subi un test de sa propre initiative, il ne serait pas obligatoire d'en partager les résultats. Ce refus ne pourrait pas non plus affecter les conditions du contrat - par exemple, une hausse des primes de son assurance-vie.

Les tests de génétique ne constituent que la pointe de l'iceberg de la révolution génétique, mais il s'agit d'une bonne façon de commencer à en parler. Et le parlement est le bon endroit où le faire.

Ottawa ne devrait pas laisser les tribunaux à eux-mêmes pour interpréter la loi à ce sujet ; nos chartes des droits et libertés ont été écrites avant la naissance de cette technologie, et il est difficile de présumer de l'évolution de la jurisprudence.

En 1997, la Déclaration universelle sur le génome humain de l'Unesco invitait les pays à lutter contre les « discriminations fondées sur les caractéristiques génétiques ». Depuis, tous les pays du G7 ont légiféré en ce sens, sauf le Canada. Dans son discours du Trône, en 2013, le premier ministre Harper promettait pourtant de le faire.

C'est dans ce contexte que l'industrie de l'assurance a choisi de s'autoréglementer. Elle renonce à exiger un test génétique, mais demande aux clients qui en ont subi de lui donner les résultats. S'ils refusent, le risque peut être ajusté en conséquence.

Les malades y voient une discrimination génétique. Pour l'instant, le risque concerne surtout quelques maladies étroitement liées à un gène, comme la maladie de Huntington.

Les assureurs soutiennent, quant à eux, que leur métier est d'évaluer le risque, ce qu'ils font déjà en tenant compte des antécédents familiaux. Les tests génétiques ne font que mesurer la même chose, avec plus de précision. Les assureurs n'ont pas tort, mais il est légitime de se demander si cela va trop loin. S'il faut tracer une ligne, comme le propose le projet de loi S-201.

Ce serait un gain pour la protection de la vie privée - il est difficile d'imaginer une information plus confidentielle que ses gènes. Et ce serait aussi un gain pour la santé publique. Les tests permettent d'identifier nos prédispositions et d'agir si possible en conséquence, par exemple pour réduire le risque de maladie cardiaque. Or, tant que la confidentialité des données n'est pas protégée, des gens risquent de se priver du test, par crainte d'être pénalisés par la suite.

Il y a bien sûr un risque d'abus. Un client pourrait apprendre qu'il a une chance sur deux d'être affecté par la maladie de Huntington, cacher cette information puis contracter une assurance-vie pour une somme faramineuse. Ce problème peut toutefois être prévenu. Les provinces (l'assurance est leur juridiction) peuvent permettre aux assureurs d'exiger les résultats d'un test génétique quand le produit acheté dépasse un certain montant.

Il est vrai que les tests génétiques rendraient les assureurs plus efficaces, mais l'efficacité n'équivaut pas à la justice. Ce critère-là se débat en dehors des calculs actuariels. Ajoutons aussi que l'industrie de l'assurance reste bien rentable dans les autres pays du G7 où les tests demeurent confidentiels.

Reste à décider si une législation comme S-201 est le meilleur mécanisme pour les encadrer, ou si un modèle plus souple comme celui du Royaume-Uni (une entente renouvelable au lieu d'une loi, afin de mieux s'adapter à l'évolution de la technologie) serait préférable.

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