La rainette faux-grillon, qui bloque un projet immobilier de 30 millions à La Prairie, ressemble à un nouveau canari dans la mine.

Au siècle dernier, le petit oiseau sensible aux gaz toxiques était utilisé dans les mines de charbon. S'il mourait, les travailleurs sortaient pour ne pas subir le même sort.

La rainette, une minuscule grenouille menacée au Québec, joue un peu le même rôle aujourd'hui. Bien sûr, ce qui décime la rainette, soit la perte des milieux humides, ne menace pas l'existence des Québécois. Mais c'est néanmoins un problème écologique réel, et la grenouille sert de révélateur.

Ce qui devrait choquer n'est pas que la rainette bloque une construction dans un milieu humide. C'est plutôt qu'on laisse presque toujours les promoteurs détruire ces écosystèmes. Cela explique justement pourquoi la rainette est maintenant menacée !

Selon la loi, un constructeur doit obtenir une autorisation avant de remblayer un milieu humide. Or, le ministère de l'Environnement l'accorde dans 99 % des cas.

Québec peut exiger en contrepartie qu'un autre milieu humide soit préservé. Mais encore une fois, dans 99 % des cas, rien n'est compensé. Le régime de protection est devenu un fromage suisse dans lequel il ne reste plus que de l'air.

Dans les deux dernières décennies, en ajoutant l'impact de l'agriculture et de la foresterie, pas moins de 19 % des milieux humides des basses terres du Saint-Laurent ont ainsi été détruits.

Voilà pourquoi une nouvelle loi est réclamée depuis plusieurs années. Le gouvernement péquiste avait amorcé ce travail complexe en 2014 avant de perdre le pouvoir. Mais au lieu de le compléter, le ministre de l'Environnement, David Heurtel, a annoncé que le régime actuel durerait jusqu'à au moins 2018.

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En attendant cette réforme, les milieux humides sont presque seulement protégés lors d'un cas exceptionnel : lorsqu'ils servent de dernier refuge à une espèce menacée. Cette évaluation est une compétence partagée par Ottawa et Québec.

Pour le projet immobilier de La Prairie, Québec avait d'abord donné le feu vert en 2014. Deux ans plus tard, Ottawa vient d'opposer son veto en adoptant un décret d'urgence. M. Heurtel a dénoncé ce geste prématuré et « unilatéral ».

Or, Ottawa n'a pas agi trop vite. C'est plutôt l'inverse. L'ancien gouvernement conservateur s'était traîné les pieds. Le dossier s'est rendu en Cour fédérale, où le juge a dénoncé l'été dernier l'inaction d'Ottawa, qui était « absurde et contraire à la loi ».

Le gouvernement Trudeau a donc simplement écouté l'avis de ses scientifiques et du tribunal. Et à cause de la campagne électorale, il a même dépassé le délai de six mois prescrit par la Cour.

On comprend la frustration du promoteur, à qui on a dit oui avant de dire non. Un minimum de prévisibilité est requis quand on investit des millions. Mais la colère de M. Heurtel n'est toutefois pas justifiée. Il savait qu'Ottawa devait agir, rapidement.

Le ministre se trouve déculotté. Car le partenariat qu'il proposait à Ottawa ressemblait, en somme, à ne rien faire en équipe.

Des municipalités agissent

Les revenus des municipalités dépendent des revenus fonciers, ce qui les incite à encourager la construction dans les milieux humides et les zones inondables. Mais certaines agissent tout de même. C'est le cas de Longueuil et de Laval (depuis l'élection du maire Demers), où de nouvelles zones protégées sont apparues. La superficie protégée couvre respectivement 18 % et 10 % de ces villes.

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