Comme pour les paquets de cigarettes, il faudrait inscrire une mise en garde sur les prochains autobus de campagne : attention aux projets économiques mal ficelés qui visent d'abord le rendement électoral. Car ce vice peut coûter cher à long terme.

On l'a constaté dans les dernières semaines, alors que deux ententes conclues par le gouvernement Marois à l'hiver 2014 sont revenues hanter Québec : celle sur la cimenterie McInnis et celle sur les hydrocarbures à Anticosti.

Le gouvernement péquiste minoritaire, qui cherchait désespérément à redorer son blason économique, les a annoncées juste avant le début de la campagne électorale. Puis il les a confirmées par décret alors qu'il allait perdre le pouvoir. En d'autres mots, il a lié les mains de son successeur.

Les erreurs de ces deux projets restent toutefois très différentes. Malgré ses problèmes initiaux de conception et de gestion, la cimenterie prévoit encore devenir rentable. Le projet d'Anticosti, lui, est hélas médiocre et irrécupérable.

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La cimenterie McInnis a germé pendant deux décennies, en attente de fonds publics. Elle a été lancée à la fin janvier 2014, quand le gouvernement Marois a annoncé une aide de 350 millions de dollars via Investissement Québec (100 millions en capital-actions, et 250 millions en garantie de prêt). La Caisse de dépôt y a ajouté 100 millions en capital-actions. À cela s'ajouteront le rabais d'électricité et le congé fiscal de 10 ans offerts aux investissements majeurs.

Or, premier problème : Investissement Québec (IQ) avait accepté d'être remboursé en dernier. À son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement a heureusement renégocié l'entente pour devenir créancier prioritaire, en plus de hausser les taux d'intérêt.

Ce printemps, un deuxième problème a été découvert. La facture du projet a augmenté d'environ 40 %, soit 450 millions (McInnis refuse de confirmer le chiffre). Certes, il était difficile au départ d'estimer le coût final, car l'immense cimenterie est créée à partir de rien.

Mais à 40 %, il ne s'agit plus d'un simple dépassement de coûts. C'est une explosion.

Environ le quart de cette hausse résulte d'un litige imprévisible qui a retardé la construction. McInnis doit faire le travail en deux étés au lieu de trois, pour profiter à temps du marché américain favorable. Cela se justifie. Mais d'autres nouveaux coûts découlent d'erreurs importantes dans les prévisions de besoins et coûts. Ce n'est pas ce qui avait été convenu avec IQ.

La ministre du Développement économique, Dominique Anglade, a donc refusé avec raison que l'État ajoute plus d'argent. Et elle exige désormais que certaines conditions soient respectées avant de verser son prêt. Par exemple, la cimenterie doit dorénavant payer ses fournisseurs locaux dans des délais raisonnables. C'est la moindre des choses pour un projet qui se targue de stimuler l'économie régionale...

Grâce à ces correctifs, l'histoire pourrait bien se terminer. D'autant que la nouvelle usine s'annonce plus performante, ce qui l'aidera à profiter de la reprise de la construction américaine.

Quant à Anticosti, il n'y a rien pour réconforter. La mésaventure pétrolière se résume simplement : Québec paye la majorité de la facture, sans pouvoir décider ni se retirer.

Cela mène à l'absurde situation actuelle. Le seul choix qui reste à M. Couillard, c'est la façon dont il gaspillera l'argent public : dans des poursuites pour rupture de contrat, ou dans des forages pour en apprendre plus sur un projet qu'il a déjà refusé.

Il ne sera pas trop tard par contre pour en tirer les leçons avant de sortir le chéquier lors la prochaine campagne.

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