En immigration, Québec devrait cueillir le fruit au bas de l'arbre au lieu de se perdre dans les dédales de sa bureaucratie.

Ces fruits à portée de main, ce sont les étudiants étrangers et les travailleurs temporaires. Grâce à leur formation ou à leur emploi, ils sont déjà en partie intégrés. Malgré tout, Québec les laisse encore tomber à ses pieds. Plus de la moitié de ces visiteurs souhaite rester chez nous après avoir obtenu son diplôme ou fini son contrat, mais seule une faible minorité le fera.

Certes, le bilan s'améliore depuis 2010 grâce à un programme qui accélère le traitement de ces dossiers. Le taux de rétention est passé de 10 % à près de 20 %. Cela reste tout de même très peu. À titre de comparaison, la Nouvelle-Zélande comble presque tous ses besoins en immigration à partir des étudiants et travailleurs temporaires.

La bonne nouvelle, c'est que la ministre de l'Immigration, Kathleen Weil, s'en inquiète. Elle prépare une vaste réforme de l'immigration en trois volets.

 - Un projet de loi, encore à l'étude, sur le comment. Il modifiera le mode de sélection des immigrants.

 - Un plan, à venir, sur le combien. Il établira le nombre d'immigrants à accueillir.

 - Une politique, présentée lundi, sur les orientations générales.

Pour évaluer cette réforme, il faut prendre un pas de recul.

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Selon le premier ministre Couillard, Québec doit accueillir plus d'immigrants pour freiner le vieillissement de la population et combler la pénurie de main-d'oeuvre. Il s'agirait selon lui d'une nécessité. Or, c'est inexact. 

On comprend M. Couillard de ne pas vouloir alimenter la xénophobie, mais cela n'empêche pas de reconnaître les faits. Pour la même raison que l'immigration n'est pas une nuisance, elle n'est pas un remède miracle. Son impact économique et démographique reste très faible.

De plus, la « pénurie de main-d'oeuvre » baisse en fait depuis les années 90. La véritable pénurie se limite à des métiers spécialisés, comme les technologies de l'information, l'aérospatial, le génie de logiciel ou les jeux vidéo.

La sélection doit être très fine pour que le Québec et les immigrants eux-mêmes puissent en profiter.

Les deux clés : la langue et la formation ou l'expérience professionnelle, afin que les candidats se trouvent un emploi en français dans les secteurs en demandés.

Bien sûr, il faudra que les patrons, qui réclament qu'on accueille plus d'immigrants, s'assurent que leurs cadres ne les discriminent pas à l'embauche...

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Mme Weil a bien amorcé le travail. Le système du « premier arrivé, premier servi » sera remplacé par une « déclaration d'intérêt ». Les candidats rempliront d'abord une demande. On contactera ensuite ceux qui répondent aux besoins changeants du marché de l'emploi.

Autre bonne idée, la ministre inviterait les régions à définir leurs besoins pour que l'immigration ne se limite pas à Montréal.

Ce système devrait devenir secondaire. Car avant d'attirer les candidats de l'étranger, il faudrait retenir les étudiants et travailleurs qui viennent nous visiter. Comment ? En misant sur la promotion, avec une campagne dynamique sur les campus. Sur la rapidité, en réclamant qu'Ottawa écourte les délais plus longs au Québec qu'ailleurs au pays. Et en misant enfin davantage sur la francisation, dont les récents reculs inquiètent avec raison. Ces cours doivent devenir plus accessibles et adaptés. Par exemple, pendant que des classes sont remplies à McGill, d'autres restent à moitié vides à l'UQAM, rappelle Montréal International.

On l'oublie parfois, mais les quatre universités de Montréal placent la ville au deuxième rang en Amérique du Nord, derrière seulement Boston. C'est une métropole du savoir. Il ne reste qu'à agir en conséquence.

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