Le bazooka n'est pas une arme particulièrement précise. En l'utilisant contre un chrétien qui attaquait le droit de la famille, Québec a tout arraché. Tant la cible à défaire que celle à protéger.

Une nouvelle catégorie a été créée : les époux mariés selon la religion, mais pas selon la loi. Des époux et épouses qui ne doivent pas partager leur patrimoine ou verser une pension alimentaire.

Certes, cette catégorie n'est pas rétroactive. Rien ne change pour les mariages déjà célébrés. Il n'y a donc pas de révolution, mais le risque pour l'avenir est réel. Un homme pourrait ne se marier « qu'à moitié » - devant Dieu ou Allah, mais pas devant la loi. Et ce, sans que sa femme sache que l'union échappe à la loi. Sans qu'elle y ait consenti de façon éclairée.

Le trou dans notre régime de mariage est aussi grand que la confusion. Recoudre le régime ne suffira pas. Il faudra en bâtir un nouveau.

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Rappelons d'abord le litige. Un chrétien baptiste veut vivre avec sa conjointe. Pour cela, sa religion exige qu'il se marie devant Dieu. Or, il refuse les obligations financières prévues pour les mariés dans le Code civil. Monsieur préfère le régime des conjoints de fait, qui n'exige pas le partage du patrimoine.

Les athées peuvent choisir leur type d'union, mais pas les religieux, qui seraient « obligés » de se marier devant Dieu, et donc obligés d'être mariés selon le Code civil.

Voilà ce que soutient le plaignant chrétien. Au nom de sa foi, il veut se soustraire à la loi qui protège l'époux le plus vulnérable.

C'est le christianisme converti commodément en stratégie comptable.

Même si cela choque le sens commun, la jurisprudence canadienne n'est pas claire. Elle pourrait lui donner raison comme elle pourrait lui donner tort.

Le Procureur général devait défendre la loi québécoise, mais il l'a torpillée. Sa réponse : monsieur n'était pas obligé de partager son patrimoine ! Lorsqu'on s'unit devant Dieu, on ne s'unit pas forcément devant la loi. Un prêtre, rabbin ou imam peut donc choisir de ne pas convertir le mariage religieux en mariage civil. Le plaignant n'avait qu'à le demander.

Le problème, c'est que le mariage n'a jamais été interprété ainsi. Les époux ont toujours cru que leur mariage religieux devenait de facto un mariage civil. D'ailleurs, avant les années 70, seuls les religieux célébraient les mariages, qui offraient automatiquement la protection financière. Les célébrants laïques se sont ajoutés à ce système, sans le remplacer.

Le mois dernier, la juge Alary a malgré tout retenu cette dangereuse interprétation. Les spécialistes du droit familial se demandent encore pourquoi. Québec est toutefois chanceux. Sa victoire sera contestée en appel. Il est donc possible que cette lecture soit invalidée.

Mais peu importe la décision, la cause démontre une fois de plus l'urgence de réformer notre droit familial. Ça tombe bien, le professeur Alain Roy a déposé l'été dernier un rapport de 600 pages sur le sujet. Québec doit d'urgence lancer une vaste consultation, et pas juste sur internet. Le sérieux et la complexité du sujet l'exigent.

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