Les bilans de l'année rappellent les évènements marquants, ceux auxquels on associe un nom et une date. Mais si on cherche ce qui changera à long terme le visage du pays, il faut aussi se tourner vers deux tendances lourdes qui ont fini par atteindre un point de bascule en 2015.

La première : le nombre de 65 ans et plus a dépassé celui des 14 ans et moins. La seconde : la dette nette des provinces (en % du PIB) a dépassé celle d'Ottawa. Bref, le pays grisonne et la dette devient surtout un problème provincial.

Certes, ce n'est pas une surprise. Reste qu'à l'échelle démographique, le changement a été rapide. Dans les années 90, on comptait deux jeunes pour un aîné. Ce sera le contraire dans un peu plus de 20 ans.

Le problème n'est pas le même partout au pays. L'Alberta est la province la plus jeune, alors que les Maritimes sont les plus vieilles. Le Québec est aussi plus vieux que la moyenne canadienne.

Les impacts économiques seront nombreux. Par exemple, sur le marché du travail, on se battra pour recruter les jeunes et retenir les sexagénaires, quitte à leur offrir un horaire allégé.

Pour les gouvernements, cette baisse du ratio de travailleurs par retraité grugera les revenus en impôts, un problème qui s'ajoute à celui de l'évitement et l'évasion fiscaux, pour lesquels on cherche encore en vain une solution.

Et surtout, le vieillissement haussera les dépenses, car les aînés coûtent plus cher en soins de santé. Bien sûr, il ne faut pas exagérer le problème. Les économistes ne s'entendent pas sur l'ampleur de ces nouveaux coûts. Et certains s'en servent comme d'un épouvantail pour attaquer le système public, ont déjà souligné Pierre Fortin et Luc Godbout*. Malgré tout, même les optimistes prévoient que les dépenses en santé croîtront plus vite que l'économie.

C'est, pour parler la langue de bois politicienne, un « défi ».

L'autre renversement crée un nouveau déséquilibre entre les provinces et le fédéral. Il est très différent du déséquilibre fiscal des années 90. Le problème avait à l'époque été créé par une décision d'Ottawa : couper dans les transferts pour assainir ses finances.

Cette fois, il n'y a pas eu de récente coupe. Au contraire, les transferts continuent d'augmenter**. Il est donc plus difficile de désigner un coupable. Le problème ne vient pas d'une décision controversée, mais des compétences des provinces (santé, éducation), secteurs où les coûts augmentent.

Même avec les généreuses promesses et déficits prévus par le gouvernement Trudeau, le ratio fédéral dette/PIB décroîtra lors des prochaines années. Pendant ce temps, l'Ontario, le Québec et les autres provinces doivent faire des choix douloureux pour respecter leur plan de réduction de la dette.

Voilà pourquoi les négociations avec les provinces sur les transferts de santé seront cruciales en 2016. Ce sera, avec la réduction des gaz à effet de serre, le grand test pour la nouvelle approche de collaboration que promet le premier ministre Trudeau.

* Voir Le vieillissement démographique : de nombreux enjeux à déchiffrer, un rapport de l'Institut de la statistique du Québec, p. 175

** Voir Les transferts fédéraux : évolution et perspectives pour le Québec, une étude de Luc Godbout et Suzie St-Cerny de l'Université de Sherbrooke

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