C'était le plus bel exemple de parlementarisme québécois. C'est en train de devenir, bien malgré Québec, une étude de cas en procédurite.

L'aide médicale à mourir est entrée en vigueur hier dans le désordre. Si elle est entrée en vigueur, en fait. Car ce ne serait plus tout à fait clair.

Une épée de Damoclès pend encore au-dessus de la loi. Elle a été adoptée au printemps 2014, et devait s'appliquer à partir du 10 décembre. Mais la semaine dernière, la Cour supérieure a suspendu son application. Puis mardi dernier, la Cour d'appel aurait suspendu la suspension. Les patients qui correspondent aux critères très stricts pourraient donc demander l'aide médicale à mourir. Du moins, c'est l'interprétation de Québec.

Le Collège des médecins, lui, ne semble malgré tout pas rassuré. Même si Québec a demandé aux procureurs de ne pas poursuivre les médecins, le risque n'a pas complètement disparu, craint l'ordre professionnel. Il a invité ses membres hier « à la prudence ». En d'autres mots, à prendre leur temps...

Dans l'intérêt général, il n'y a peut-être pas urgence de faire appliquer la loi aujourd'hui. Mais il y a urgence de la clarifier.

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Personne n'est surpris que la loi québécoise soit attaquée. Même ses plus fervents défenseurs s'y attendaient.

Au départ, deux approches s'affrontaient. Québec prend celle de la santé. Sa loi s'applique aux patients en fin de vie, atteints d'une maladie incurable aux souffrances constantes et intolérables. On veut leur donner le choix d'abréger ce pénible passage. Il s'agirait donc d'un «continuum de soins».

L'autre approche est celle du juriste qui cherche un critère clair pour trancher. A-t-on donné la mort, ce que le Code criminel interdit? La réponse est oui.

La démarche de Québec semblait donc violer le Code criminel. C'était frondeur.

On dénonce parfois l'activisme judiciaire. Or, le contraire s'est passé ici, et pour le mieux. En 1993, dans son jugement divisé sur Sue Rodriguez, la Cour suprême constatait l'absence d'un consensus sur le suicide assisté. L'Assemblée nationale a pris le relai et bâti ce consensus. Cela a sûrement influencé la décision unanime de la Cour suprême, l'hiver dernier.

Voilà ce qui rend le recours actuel absurde. On veut bloquer une loi au nom d'articles du Code criminel qui doivent être abolis dans les prochaines semaines. Et qui ont ainsi déjà perdu leur légitimité.

Selon les demandeurs, durant cette brève période, les médecins risqueraient tout de même d'être poursuivis. Pour les protéger, il faudrait donc suspendre la loi québécoise. Certes, cette transition pourrait poser un réel problème juridique. Mais les demandeurs ne veulent pas protéger les médecins. Au contraire, ils veulent leur mettre un bâton dans les roues pour s'offrir un dernier pied de nez avant leur inévitable défaite. Car on sait que la loi québécoise entrera en vigueur. Reste seulement à s'entendre sur la date.

Pendant qu'on débat dans les hautes sphères du droit constitutionnel, on oublie les problèmes bien terrestres des médecins et de leurs patients. Leur vie est courte, mais pas assez pour les laisser agoniser dans les procédures.

L'INACTION DE HARPER

La Cour suprême devrait retarder la décriminalisation du suicide assisté. Les deux articles du Code criminel devaient être abolis en février 2016. Elle attendra peut-être six mois de plus, pour permettre à Ottawa de changer sa loi. Ce délai pourrait poursuivre de la même durée le flou juridique au Québec.

Pourquoi ce délai? À cause de la lâcheté du gouvernement Harper. Il avait une année pour répondre au jugement, et il a passé les six premiers mois à siffler dans son coin. C'est seulement en juillet dernier qu'un comité a été lancé. Ses travaux seront remis dans les prochains jours. Tout indique donc que le nouveau gouvernement manquera de temps pour rédiger la loi, l'étudier puis l'adopter avant le 6 février.

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