Attaqué par certains militants chez lui, encensé à l'étranger. C'est le sort de Philippe Couillard avec l'environnement, et c'était aussi celui réservé à ses prédécesseurs.

La contradiction est moins grande qu'il n'y paraît. En effet, il est possible d'être un leader international malgré un bilan domestique mitigé.

Dans les rencontres internationales, les pays sont de grands paquebots difficiles à faire bouger. La poussée vient souvent des villes et provinces, qui agissent au lieu d'attendre leur gouvernement central. Car en environnement, attendre équivaut à reculer.

La Californie a ainsi lancé un marché du carbone, auquel s'est greffé le Québec. Les deux le promeuvent depuis dans les rencontres internationales. Ils ont rallié l'Ontario et le Manitoba, et d'autres États américains pourraient s'y joindre.

Voilà une utilité méconnue des sommets climatiques. Au-delà des grands accords, ils encouragent l'émulation.

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Le marché du carbone ne constitue toutefois pas une solution miracle. Existe-t-il donc un décalage entre les paroles et les gestes ? Oui, mais pas pour les raisons invoquées à Paris.

Il s'agit d'un problème de consommation et non de production. À l'heure actuelle, le Québec importe surtout son pétrole de l'Algérie, des Maritimes et du Kazakhstan. Ces GES ne s'arrêtent pas aux douanes. Ils dérèglent autant le climat que s'ils étaient produits au Québec. Et même sous les scénarios les plus agressifs, le pétrole continuera d'être consommé pour les deux prochaines décennies.

Le produire ici pourrait réduire notre déficit commercial, qui est de 15 milliards. Ce pourrait être compatible avec nos cibles de réduction de GES, à quatre conditions très strictes.

 - Refuser les subventions, qui équivaudraient à encourager la pollution ;

 - S'assurer d'avoir des règles environnementales sévères et l'appui des populations locales qui assumeront les risques ;

 - Utiliser les profits pour réduire notre consommation de pétrole ;

 - Intégrer cette production dans un plan de décarbonisation de l'économie.

Le gisement d'Anticosti entre en collision avec ce dernier objectif. En effet, selon les études préliminaires, son pic de production serait atteint vers 2050, soit lorsque l'économie devrait être en bonne partie décarbonisée. Et c'est sans compter le risque financier, avec la construction d'un port en eau profonde et autres risques de socialisation des coûts d'infrastructures.

Voilà pourquoi M. Couillard a eu raison d'émettre un préjugé défavorable. D'autres plus petits projets à court terme ne sont toutefois pas à rejeter d'emblée.

La priorité de Québec devrait toutefois être de réduire la consommation, par l'efficacité énergétique et les transports. Il s'agit de la tache sur notre bilan. Pourtant, les solutions sont connues : réduire le nombre de voitures, améliorer leur rendement et développer les transports collectifs. M. Couillard a fait un pas dans la bonne direction cet automne en ouvrant la porte à l'écofiscalité et à une politique « zéro émission », qui imposerait de nouvelles normes aux constructeurs automobiles.

En osant de telles mesures, Québec pourrait devenir un leader autant dans les paroles que dans les gestes. Il ne reste qu'à convaincre les contribuables...

LE BILAN DU QUÉBEC

Si le Québec peut se permettre de jouer un rôle de leader, c'est aussi en raison de son faible bilan d'émissions de gaz à effet de serre (GES). Il a atteint ses cibles de Kyoto et affiche le plus faible taux d'émissions par personne au pays.

C'est toutefois ici que le portrait s'embrouille. Car ce bilan, il a été obtenu malgré le gouvernement. Le Québec émet peu de GES à cause de sa géographie, qui lui offre de l'hydroélectricité. Et il en émet moins qu'avant à cause des entreprises, qui ont réduit leur pollution grâce aux technologies vertes, mais aussi à cause des fermetures d'usines...

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