La gestion informatique de Québec est, pour le dire poliment, une catastrophe. Alors que le gouvernement Couillard s'apprête à créer un nouveau registre informatisé des armes d'épaule, il n'a pas encore endigué cette fuite de fonds publics.

Pourtant, le diagnostic est connu. Les rapports se suivent et se ressemblent ; il y a eu ceux du Vérificateur général (2006, 2011, 2012 et novembre 2015), de l'UPAC (septembre 2015) et du Secrétariat du Conseil du trésor (2007 et 2012). À cela s'ajoute le récent rapport constructif d'Éric Caire de la Coalition avenir Québec.

Les mêmes constats y reviennent. Il y a trois grands problèmes :  les structures confuses, la gestion aveugle et le manque d'expertise.

La réforme annoncée par Martin Coiteux, président du Conseil du trésor, constitue un pas dans la bonne direction, mais beaucoup reste à faire.

La confusion commence haut dans l'organigramme. Les orientations proviennent du Dirigeant principal de l'information (DPI), tandis que la gestion relève du Centre des services partagés (CSPQ). Les deux têtes du monstre se parlent peu. Et pour ajouter au désordre, l'une d'elles change souvent. Il y a eu pas moins de quatre patrons du DPI en deux ans.

Quand vient ensuite le temps de gérer un projet, le loup est dans la bergerie. Selon la vérificatrice générale, il est impossible d'établir combien de fonctionnaires travaillent en informatique ni combien d'employés sont payés par le privé ! Ce qu'on sait, par contre, c'est que l'État manque gravement d'expertise. Il dépend donc du privé pour définir ses besoins, concevoir les appels d'offres et choisir le gagnant. Pire, la firme qui élabore le projet gagne parfois le contrat, et on la paye à l'heure, en se fiant à elle pour savoir quand le travail est terminé. En d'autres mots, on laisse les consultants se servir... Difficile de trouver une meilleure recette pour défoncer les budgets. Et avec près de 3 milliards en contrats annuels, le potentiel de dérapage est immense.

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Le ministre Coiteux a déposé un projet de règlement le mois dernier. Il contient plusieurs excellentes mesures. D'abord, l'expertise sera regarnie. L'année dernière, le recours au privé a diminué de 30 %. Et cet automne, un blitz de 500 embauches a été annoncé.

Ensuite, la gestion sera resserrée. M. Coiteux mettra fin au règne du plus bas soumissionnaire et diviserait les contrats pour réduire leur valeur, ce qui les rendra à la portée des petits acteurs, et augmentera ainsi la concurrence. Pour les contrats qui demeurent coûteux, un audit indépendant sera mené. Enfin, un nouveau poste de Commissaire aux contrats publics doit être créé l'année prochaine.

Mais la prudence s'impose, à cause de la structure à deux têtes qui demeure, et aussi à cause des leçons du passé. Le gouvernement Charest avait aussi annoncé une réforme qui n'a finalement rien réglé.

Cela ne justifie pas de s'opposer au registre des armes d'épaule. Mais avant de célébrer cet autre consensus québécois, un peu de prudence s'impose.

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