Quelle désolante finale pour la commission Charbonneau. Après quatre années de travaux et une facture de 44 millions de dollars, elle se termine sur un débat de jésuites.

La présidente Charbonneau conclut à un « lien indirect » entre le financement des partis politiques provinciaux et l'octroi des contrats. Selon son commissaire Lachance, la preuve ne justifie pas ce lien, et c'est ce qui retient l'attention.

Cela ne devrait pourtant pas atténuer les conclusions du rapport. En effet, le désaccord est plus superficiel que l'on croit. On peine même à le comprendre.

Au municipal, le lien entre financement et octroi de contrat était direct. Il était question de crime organisé, de cartels, d'argent comptant et de ristourne au parti du maire Tremblay. « Everything there is truqué », comme l'a résumé l'entrepreneur Joe Borsellino.

Et au provincial ? On n'a pas trouvé de lien direct entre une contribution et un contrat précis. Rien de nouveau là-dedans. On l'avait compris au terme des audiences très suivies de la commission.

Le différend entre Mme Charbonneau et M. Lachance porte sur l'existence d'un « lien indirect ». Ce concept n'est pas clairement défini en droit. Et il semble que pour le commissaire, il ne devrait pas exister. À en juger par son raisonnement, il existerait deux possibilités : un lien direct ou pas de lien.

Or, un lien direct constitue une faute criminelle. La commission d'enquête n'avait pas pour mandat d'établir une telle preuve hors de tout doute. Elle devait plutôt identifier les stratagèmes et problèmes systémiques, puis émettre des recommandations pour y remédier.

Les centaines de preuves du rapport démontrent le pourrissement des moeurs au niveau provincial. Les collecteurs de fonds des partis recouraient au financement sectoriel, comme avec le génie-conseil. Ils incitaient les entrepreneurs à utiliser des prête-noms et à payer pour rencontrer les élus dans des cocktails. Ce n'était pas du développement des affaires normal.

L'État n'est pas une PME où le ministre choisit à qui iront les contrats.

Pourquoi payer pour obtenir un tel accès ? Des entrepreneurs allèguent que sans cette générosité, ils risquaient de perdre des contrats. C'est du moins ce que des collecteurs de fonds leur auraient laissé entendre.

Il ne s'agit pas d'une preuve de corruption. Mais à tout le moins, cela démontre que les collecteurs de fonds en menaient large et que les élus étaient placés dans une position vulnérable.

Plusieurs réformes ont depuis été adoptées : plafond des dépenses électorales, plafond des dons aux partis, et certificat de bonne conduite requis pour soumissionner aux contrats publics.

Malgré tout, des failles demeurent. Voilà pourquoi Mme Charbonneau et M. Lachance proposent 60 recommandations unanimes afin de poursuivre le ménage. Ils sont d'accord sur les solutions, et donc sur l'existence de problèmes. Ne restait qu'à s'entendre sur la façon de les qualifier. En 1741 pages, il y avait de la place pour le faire.

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