La lutte contre les paradis fiscaux, une priorité du nouveau ministre des Affaires étrangères ? La déclaration de Stéphane Dion mercredi dernier à RDI ne devrait pas surprendre.

La justice fiscale ne concerne pas que le ministre des Finances. C'est devenu un problème de coopération politique, qui se règlera sur la scène internationale. Et les dernières nouvelles sont plutôt encourageantes.

Le 5 octobre dernier, l'OCDE a adopté son plan de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). Ces mesures doivent freiner l'évitement fiscal. Par exemple, Wal-Mart détient des dizaines de filiales dans des paradis fiscaux, où elle déplace ses profits, même si on n'y trouve aucun magasin.

Il a fallu la crise économique de 2008 pour lancer le mouvement. Mais malgré cet électrochoc, le Canada avait continué de reculer. Il a alors signé une dizaine d'ententes bilatérales avec des paradis fiscaux pour leur offrir la non double imposition. Soit la possibilité pour une entreprise d'y installer une filiale pour déplacer ses profits puis les rapatrier sous forme de dividende, sans payer d'impôt.

Heureusement, le gouvernement Harper a fini par se rallier en fin de mandat à l'initiative BEPS. Le principe : la fiscalité doit suivre les activités économiques réelles, comme l'a résumé son instigateur Pascal Saint-Amans la semaine dernière à TaxCOOP, un forum international organisé à Montréal.

Un tel revirement exigera entre autres de dévoiler les revenus pays par pays, puis de permettre aux autorités fiscales de partager cette information.

Les chefs d'État du G20 doivent endosser ce plan la semaine prochaine en Turquie. Il est toutefois un peu tôt pour conclure à la « fin de la récréation », comme le fait M. Saint-Amans.

Certes, on peut comprendre son optimisme. Grâce à des scandales sur l'évasion fiscale comme SwissLeaks, la Suisse a annoncé cet automne qu'elle mettra fin au secret bancaire. Et les révélations de LuxLeaks l'année dernière aident maintenant à lutter contre l'évitement fiscal.

Mais le plus difficile reste à venir. À la suite de cet accord non contraignant, chaque pays devra modifier ses lois, puis se donner les moyens de l'appliquer. Selon plusieurs ONG, ces mesures sont insuffisantes. Et malgré tout, elles seront difficiles à concrétiser, car même si les principaux paradis fiscaux endossent l'accord, rien ne garantit qu'ils l'appliqueront.

Si un pays ouvre une échappatoire, les revenus y fuiront. C'est le règne du plus petit dénominateur commun.

Le problème ne se réduit donc pas à l'éternel jeu du chat et de la souris entre États et fiscalistes. C'est aussi une question politique. D'où l'importance que le Canada soit un leader pour empêcher que les recettes fiscales lui échappent, mais aussi pour s'assurer que les autres pays bougent afin de ne pas sacrifier son économie.

Il faudra agir avec prudence et célérité.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion