Il reste trois jours avant l'élection, et la position des libéraux et des néo-démocrates sur l'oléoduc Énergie Est reste toujours aussi ambiguë. On ignore si MM. Trudeau et Mulcair sont pour ou contre le plus gros projet de transport pétrolier au pays. Les électeurs resteront ainsi dans la brume.

Certes, M. Mulcair est le seul à proposer une ambitieuse cible de réduction des GES (34 % sous le niveau de 1990 d'ici 2030). Il y a là une différence avec les libéraux. D'autant plus qu'un proche collaborateur de M. Trudeau a dû démissionner après avoir donné des conseils de lobbying à TransCanada. Mais on peine à comprendre l'impact de la cible néo-démocrate sur Énergie Est.

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Le projet est encore étudié par l'Office national de l'énergie (l'ONÉ). Les deux chefs veulent renforcer ce processus, notamment pour évaluer aussi l'impact sur les émissions de gaz à effet de serre. C'est seulement au terme de cet examen renforcé qu'ils trancheraient.

On pourrait a priori penser que cette position est prudente, car trois inconnues demeurent. D'abord, le projet lui-même n'est pas finalisé. Le terminal prévu à Cacouna, pouponnière à bélugas, a été abandonné grâce à la pression populaire. La société TransCanada doit déposer une nouvelle mouture du projet d'ici la fin de l'année. On saura alors si un terminal québécois sera ajouté, et si le tracé sera modifié.

Ensuite, l'ONÉ n'a pas fini d'étudier le risque de déversement. Les audiences ne commenceront pas avant l'année prochaine, et le risque dépendra entre autres du tracé et des garanties offertes par TransCanada.

Enfin, l'impact précis d'Énergie Est sur les GES reste à mesurer. On sait qu'il les augmentera à cause de sa capacité énorme (1,1 million de barils de pétrole par jour). Mais que serait alors le total canadien d'émissions en 2020, date optimiste de la mise en service de l'oléoduc ? Cela dépendra du prix du pétrole, du prix du carbone et des nouvelles cibles de réduction des GES d'Ottawa et d'Edmonton.

Malgré tout, cela ne justifie pas le silence de MM. Mulcair et Trudeau. Pire qu'un manque de clarté, c'est un manque de franchise.

L'ONÉ ne devrait pas leur servir de paravent. Bien sûr, il faudra attendre la fin de cet examen pour bien évaluer l'impact environnemental du projet.

La science ne donnera pas la réponse finale. Elle permettra seulement d'établir le niveau de risque. Il faudra ensuite décider s'il vaut la peine d'être pris. Cette décision est politique, et elle dépend de principes.

Les oléoducs causent moins d'explosions et de morts que les trains, mais plus de déversements, tout en haussant la capacité de production de pétrole, et donc de GES. Deux logiques s'affrontent ainsi. On pourrait soutenir que la planète continuera de consommer du pétrole à court et à moyen terme. Mieux vaudrait donc encourager la production locale pour développer l'économie de l'Ouest et essayer de limiter le risque d'accident, même s'il ne disparaîtra jamais. Ou on pourrait au contraire soutenir qu'afin de débloquer les négociations climatiques internationales et préparer la décarbonisation de l'économie, le Canada doit freiner maintenant l'expansion des sables bitumineux.

Laquelle de ces approches guiderait les chefs ? Ils semblent répondre oui et oui. Ce qui équivaut, hélas ! à ne pas dire grand-chose.

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