L'image du Canada s'est dégradée sous Stephen Harper, accusent ses adversaires qui s'affrontaient hier soir au débat Munk sur la politique étrangère. Il est vrai que le pays a perdu de l'influence, mais M. Harper n'est pas le seul responsable. Ce virage a commencé dans les années 90, et un gouvernement libéral ou néo-démocrate ne pourrait complètement revenir en arrière.

On peut mesurer l'influence de deux façons : les idées défendues, et la capacité de les faire avancer.

Sur le premier aspect, la différence est évidente. Le Canada des conservateurs est devenu plus idéologue. Son influence change plus qu'elle ne recule. Par exemple, M. Harper a causé un froid diplomatique avec la Chine en 2008, fermé l'ambassade en Iran, ennemi juré d'Israël, et refusé de financer l'avortement dans les pays pauvres.

Sous son règne, le Canada s'est aussi éloigné du multilatéralisme. Il s'est désengagé du protocole de Kyoto, a ralenti la ratification du traité sur les bombes à fragmentation et a réduit le financement pour contrer les mines antipersonnelles. 

Au lieu de promouvoir les consensus, le Canada des conservateurs défend mordicus ses principes. Cela l'incite à séparer le monde en deux groupes : les amis et les ennemis, qui sont devenus assez nombreux pour lui refuser en 2010 un siège au Conseil de sécurité de l'ONU.

Quant aux moyens du Canada, il y a plus continuité que rupture entre les conservateurs et les libéraux. Et cette continuité, c'est celle de la modestie.

Le budget militaire est devenu le plus faible du G7. La tendance a commencé dans les années 90 sous les libéraux, qui avaient réduit ce budget à 1,2 % du PIB pour redresser les finances publiques. L'enveloppe a ensuite augmenté sous Paul Martin puis sous M. Harper, avant de rechuter après la crise économique. Un plancher a été atteint l'année dernière, avec 0,98 % du PIB. Il faudrait dépenser environ 14 milliards de plus par année pour atteindre la cible de l'OTAN, de 2 % du PIB.

Ce n'est pas non plus M. Harper qui a rompu avec les missions de paix des Casques bleus. Ottawa a progressivement retiré ses troupes de ces missions à partir du milieu des années 90.

Ces missions elles-mêmes ont aussi changé, observe le politologue Stéphane Roussel. Elles servent davantage à imposer la paix qu'à la négocier. Et le Canada, à l'exception notable de la guerre en Irak, tend encore à suivre ses alliés français, anglais et américains.

Le budget humanitaire a suivi la même tendance que le militaire. Le Canada ne verse que le tiers de la cible de l'ONU, qui est de 0,7 % du PIB. Là encore, les fluctuations dépendent autant de la volonté politique que du contexte économique. Le budget a été réduit d'un demi-milliard après la crise économique de 2008, tout comme il avait été réduit dans les années 90.

Les critiques de M. Harper idéalisent l'influence passée du Canada. Même si un nouveau gouvernement changeait l'image du pays, il ne faudrait pas en exagérer les conséquences.

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