Avant de déclarer un gagnant dans ce débat, il faudrait savoir à qui on parlait. C'est crucial, car l'électorat a changé. Et par conséquent, la façon de lui parler aussi.

Comme le démontrent les récentes mésaventures des sondeurs, les électeurs deviendraient plus indécis, ou du moins plus volatils. Dans quelle proportion ? Difficile à dire. Car en essayant de le mesurer, on confond souvent trois groupes distincts : ceux qui ignorent pour qui voter, ceux qui le savent, mais refusent de le dire, et enfin ceux qui ne voteront tout simplement pas. Il semble qu'environ 1 Canadien sur 10hésite encore.

Autre catégorie voisine courtisée hier soir : ceux qui risquent de changer d'idée. Au Québec, ces « mous » se trouvent surtout chez les partisans du NPD, qui a des racines fragiles et une modeste machine électorale. C'est d'autant plus vrai que les intentions de vote de ses partisans se fragilisent depuis quelques jours.

À cela s'ajoute un dernier groupe, celui des partisans à mobiliser.

Grâce à leurs statistiques fines, les partis identifient mieux ces sous-catégories, et ce qu'il faut dire pour leur plaire. Cela explique la crise fabriquée du niqab. Même s'il y a consensus tout à fait raisonnable à l'Assemblée nationale pour l'interdire lors de la prestation de services par l'État, cela n'en fait pas l'enjeu numéro 1 de la campagne. Seulement une tactique pour gruger quelques votes aux néo-démocrates.

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Il y a deux façons de concevoir le débat. La première, la pessimiste, découle des sciences cognitives. Elles détruisent le cliché de l'électeur qui, tel un juré, examinerait froidement les plateformes de chaque parti. On vote plutôt en fonction de son intérêt personnel, ses valeurs, son identité ou son attachement à une marque. Et cette réflexion ne se fait pas de façon objective. Les électeurs déforment au contraire le discours des chefs en fonction de leurs préjugés.

Bref, le coeur domine la tête, et les chefs savent où viser.

M. Harper dépeint une économie mondiale au seuil de la catastrophe, tandis que MM. Mulcair et Trudeau sèment la peur au sujet de la politique de « peur et division » du gouvernement actuel.

L'autre façon d'analyser le débat, c'est l'approche optimiste, à laquelle nous souscrivons. Certes, l'aide médicale à mourir, la gestion de l'offre et les autres enjeux abordés hier sont très complexes. Mais on vote pour un leader, à qui on fait confiance pour régler des problèmes parfois difficiles à comprendre, ou réagir à des crises qu'on ne connaît pas encore.

Pour cela, le débat d'hier a été très utile. Ce grand rendez-vous a illustré les réelles différences entre les cinq chefs, dont trois pourraient bientôt gouverner le pays.

Il y a M. Mulcair, plus expérimenté et interventionniste dans les programmes sociaux, au risque de créer des frictions avec certaines provinces. M. Trudeau, plus jeune et interventionniste dans l'économie, qui doublerait les investissements en infrastructures, mais ferait trois déficits. Et enfin M. Harper, qui réduirait la taille de l'État au nom des contribuables, offrirait des allègements aux plus fortunés, et ralentirait la lutte aux changements climatiques.

Voilà un choix.

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