Le gouvernement Harper a raison de rappeler que la diplomatie du mégaphone est plus spectaculaire qu'efficace. Mais il faut tout de même parler assez fort pour être entendu.

On ignore ce qu'Ottawa a dit ou fait en coulisses pour faire libérer Mohamed Fahmy, journaliste canadien emprisonné en Égypte au terme de deux procès risibles. Mais on sait que cela n'a pas encore fonctionné. Et on sait que l'Australie, qui a été plus agressive, a rapatrié son reporter écroué.

En décembre 2013, Fahmy et deux collègues d'Al-Jazira étaient arrêtés puis emprisonnés sous prétexte d'avoir propagé de fausses informations et aidé les Frères musulmans, un groupe « terroriste » selon l'Égypte. De l'avis de tous les observateurs, c'était une farce.

L'hiver dernier, les trois journalistes ont réussi à obtenir un nouveau procès. L'un d'eux, l'Australien Peter Greste, n'a pas eu à le subir sur place.

Le premier ministre australien a révélé qu'il a lui-même appelé le président Al-Sissi à quelques reprises pour demander le retour de Greste. Quelques mois après le premier appel, à l'automne 2014, le président égyptien adoptait une loi permettant de déporter un étranger accusé au criminel. Il l'a utilisée à l'hiver pour Greste.

Fahmy, un Canado-Égyptien, a abandonné son passeport égyptien pour être lui aussi déporté. Il attend encore.

Le premier ministre Harper préfère ne pas dire s'il a parlé directement à son homologue égyptien. Il a raison de dire que la diplomatie exige un minimum de discrétion. Mieux vaut offrir à son vis-à-vis un compromis honorable, sans paraître avoir cédé aux pressions étrangères. Et à la décharge de M. Harper, le cas de Fahmy est particulier, à cause de sa double citoyenneté, à laquelle il a renoncé tardivement.

Malgré tout, Ottawa semble avoir été à la fois trop agressif et trop timide.

Probablement trop timide quand on compare l'attitude de M. Harper à celle de son homologue australien. Et peut-être aussi trop agressif, car l'ex-ministre des Affaires étrangères, John Baird, a déclaré que les accusations contre Fahmy ne seraient pas examinées au Canada. Or, c'était une des conditions du décret présidentiel : la personne déportée doit faire face à la justice dans son propre pays. L'Égypte pouvait difficilement céder à cette condition-là sans perdre la face.

Il aurait été préférable de ne pas préciser que les accusations contre Fahmy seraient abandonnées après un examen sommaire.

Il n'est toutefois pas trop tard. Ottawa a déposé une nouvelle demande pour rapatrier Fahmy, ont déclaré hier ses avocats. Ce travail doit se faire avec tact, loin du brouhaha de la campagne électorale.

Fahmy a gagné un prix du World Press Freedom, et est défendu entre autres par la célèbre avocate Amal Clooney. On ne peut qu'imaginer le sort réservé aux cas moins médiatisés. Surtout que la répression risque maintenant de s'intensifier. L'autocrate Al-Sissi a adopté le mois dernier une loi qui impose une amende allant jusqu'à 83 000 dollars pour ceux qui contredisent les informations du gouvernement, entre autres sur le terrorisme. Il est bien loin, le Printemps arabe.

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