Les Canadiens ont la sagesse amère du cocu. Comme d'autres avant lui, Stephen Harper leur promettait en 2006 le retour de « l'imputabilité ». L'année suivante, il distribuait à ses députés un guide secret de 200 pages pour expliquer comment détourner l'étude des projets de loi...

Les Canadiens ont la sagesse amère du cocu. Comme d'autres avant lui, Stephen Harper leur promettait en 2006 le retour de « l'imputabilité ». L'année suivante, il distribuait à ses députés un guide secret de 200 pages pour expliquer comment détourner l'étude des projets de loi...

Le scepticisme suscité par les promesses libérales de réforme démocratique est donc compréhensible. Mais cela n'enlève rien à leur mérite. L'ambitieux plan déposé cette semaine contient plusieurs excellentes idées, quelques-unes moins bonnes et d'autres qui restent floues.

La meilleure nouvelle vient d'un recul. L'année dernière, le chef libéral Justin Trudeau voulait remplacer notre mode de scrutin par le vote alternatif, comme en Australie. L'électeur numéroterait les candidats. Si aucun ne gagne au premier tour, on élimine le dernier choix et on refait le calcul, jusqu'à ce qu'un candidat obtienne la majorité.

M. Trudeau ne s'engage désormais qu'à changer le mode de scrutin.

Il privilégie encore le vote alternatif, mais formerait un comité multipartite qui examinerait les autres possibilités, comme la proportionnelle mixte proposée par les néo-démocrates.

C'est plus responsable, pour deux raisons. Premièrement, parce que même si la loi permet de le faire, le mode de scrutin ne devrait pas être modifié sans un vaste consensus.

Et deuxièmement, parce que le vote alternatif en soi pose quelques problèmes. Certes, il a le mérite de dépolariser les débats. Par exemple, un libéral ne voudra pas s'aliéner les militants conservateurs, dont il espère être le deuxième choix. Mais en favorisant les partis centristes, on risque d'homogénéiser les partis. Or, la meilleure solution ne consiste pas toujours à couper la poire en deux.

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Parmi les 31 autres engagements, plusieurs oxygèneraient notre démocratie. D'abord, M. Trudeau faciliterait le travail des législateurs. Il rendrait les comités parlementaires mieux financés et moins partisans, et limiterait les projets de loi mammouths.

Ensuite, les contre-pouvoirs seraient reconstruits. On augmenterait les ressources d'Élections Canada, du Directeur parlementaire du budget et des agences qui surveillent les policiers et espions. Cela réduirait le déséquilibre créé par l'inquiétant projet de loi antiterroriste, appuyé par les libéraux au mépris de leurs principes.

Enfin, la science serait démuselée. On créerait un poste de Directeur de la science, en plus de redonner la liberté de parole aux scientifiques. Le recensement long obligatoire de Statistique Canada serait aussi rétabli.

D'autres engagements laissent toutefois songeur. Le chef libéral songe à rendre le vote obligatoire, une solution simpliste au problème complexe de la baisse du taux de participation.

De plus, il promet un « gouvernement ouvert » et une nouvelle Loi sur l'accès à l'information, sans donner de détails. Cela ressemble à la coquille vide proposée par M. Harper en 2006.

Voilà de bonnes raisons pour surveiller ces engagements, mais pas pour les rejeter, car il y a dans ce dumping de promesses quelques bouées pour notre démocratie. Et elle en a bien besoin.

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