Créer n'a jamais été si facile. Diffuser aussi. Même si on risque parfois de s'y noyer dans un océan d'oeuvres pas toujours potables, internet marque sans conteste un âge d'or pour la culture audiovisuelle. Mais c'est aussi l'âge d'or de la quincaillerie.

Comme le rappelait un dossier de notre section Arts, à l'aube de l'an 2000, 5% des dépenses des ménages québécois allaient aux contenus culturels. Aujourd'hui, cette proportion va plutôt aux outils (tablette, ordinateur, internet) qui donnent accès à ces contenus, devenus souvent gratuits.

Ce modèle n'est plus viable pour nos créateurs qui doivent donner leur travail. Comment réformer le financement de la culture? La commission Godbout a relancé une idée proposée en 2011 par la SODEC: prélever une redevance sur la facture internet et la redistribuer aux artistes. En théorie, c'est une excellente idée. Mais pas en pratique, du moins pas pour l'instant.

Ce ne serait pourtant pas une révolution. Au contraire, ce modèle existe déjà. À chaque achat d'un CD vierge, une redevance est versée aux artistes pour compenser la copie de leur travail. Une redevance est aussi prélevée sur les revenus des câblodistributeurs pour financer les productions télé canadiennes. Même si cette dernière cagnotte continue de croître, elle est menacée à long terme par les jeunes qui se débranchent du câble pour regarder leurs émissions et vidéos sur internet. Une redevance sur la facture internet ne ferait donc que protéger ce modèle, en plus d'y ajouter les arts numériques et la musique.

Le dossier relève du fédéral. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) pourrait exiger cette redevance. En apparence, la redevance réglerait le problème de financement de la culture, mais elle en créerait un autre.

L'internet sert plus que les consommateurs de culture. Il sert les citoyens. C'est devenu le système nerveux de nos sociétés, indispensable pour s'informer, communiquer, travailler et innover. Or, la redevance hausserait la facture d'internet, alors que l'accès au pays demeure trop lent, trop cher et inégal selon les régions.

En 2010, le CRTC refusait d'imposer une vitesse minimale aux fournisseurs. La faible concurrence n'a pas amélioré le service. Une nouvelle consultation à cet égard commencera l'automne prochain. Pendant ce temps, les Américains s'apprêtent à rendre leur connexion de base cinq fois plus rapide que la nôtre. Ce rattrapage constitue la priorité.

Quant à la culture, un autre chantier est plus pressant. Au risque de réduire grossièrement la question en termes économiques, l'offre québécoise se perd dans le foisonnement mondial, et la demande reste trop faible. Le problème de financement en est donc aussi un de visibilité. D'où l'importance d'initiatives comme la plateforme en ligne pour la musique québécoise, annoncée ce printemps par l'ADISQ. Pour éviter que notre culture ne se perde dans les tourbillons du web.

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