Le bon sens a prévalu. Le prétexte du patrimoine historique ne permet pas d'inviter Dieu au conseil municipal de Saguenay, a conclu hier la Cour suprême. La catho-laïcité aura ainsi eu une courte existence juridique.

En 2012, la Cour d'appel rendait un jugement aussi étrange que créatif. Elle conceptualisait la «neutralité bienveillante»: l'État pourrait être religieusement neutre tout en affirmant son héritage historique. Cette catho-laïcité lui permettait de justifier la prière entonnée au début de la séance du conseil municipal de Saguenay par le maire Jean Tremblay.

La Cour suprême retourne à la définition traditionnelle de la neutralité religieuse, et elle l'utilise de façon ciblée. Les juges donnent ainsi raison à un Saguenéen athée qui soutenait que la prière du maire violait sa liberté de conscience. Même si cela ouvre la porte à des contestations, ils n'ont toutefois pas tranché de façon décisive sur l'ensemble des prières d'élus.

Espérons néanmoins que la Chambre des communes imitera des municipalités comme Ottawa, qui ont sagement renoncé hier à leur prière. Car la défense catho-laïque est contradictoire. L'État ne peut pas être neutre avec un préjugé favorable. La couleur «incolore pâle» n'existe pas.

Et dans le cas particulier de Saguenay, plusieurs autres incohérences s'observaient. Selon le maire, empêcher la prière reviendrait à accorder plus de poids aux athées qu'aux croyants. C'est une grossière confusion entre la laïcité (État neutre devant les croyances) et la sécularisation (individus qui cessent de croire).

M. Tremblay a aussi une conception élastique du temps. Certes, l'Église a joué un rôle capital dans l'histoire du Québec. Mais la tradition de la prière avant chaque conseil de Saguenay remonte à... 2002.

En réaction au dépôt de la plainte en 2008, le maire avait modifié sa prière. Saguenay n'invoquait plus qu'un «Dieu tout puissant» pour éclairer ses décisions sur la voirie ou d'autres contentieux. Or, cet oecuménisme n'est pas neutre, car il postule qu'un Être supérieur existe. Et surtout, ce n'était qu'une façade. «Ce combat-là, je le fais parce que j'adore le Christ», a admis M. Tremblay.

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La décision de la Cour suprême ne justifie pas le début du catho-strophisme. L'héritage religieux du Québec ne sera pas javellisé. Le patrimoine ne peut servir de prétexte à l'État pour «adhérer» activement à une religion, statuent les juges, mais personne ne prétend que c'est l'objectif visé par la croix du mont Royal ou la rue Sainte-Catherine.

Le crucifix à l'Assemblée nationale est différent. Le Salon bleu n'est pas un simple lieu public. C'est l'endroit où on vote les lois. Deux interprétations sont possibles: il représente encore l'adhésion au catholicisme souhaitée par Duplessis dans les années 30 et viole donc la neutralité de l'État, ou il ne représente plus que notre patrimoine. Dans les deux cas, la conséquence est la même: une belle place l'attend parmi les autres objets historiques dans les corridors de l'Assemblée.

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