Pendant que Stephen Harper sortait le bénitier en 2008 pour se protéger contre l'hérétique projet de taxer les émissions de gaz à effet de serre, Québec innovait en jetant les bases d'un marché nord-américain du carbone. L'idée était subversive, elle est devenue présentable, puis a fini par incarner le gros bon sens.

Certes, le gouvernement conservateur s'y refuse encore. Mais la proposition rallie maintenant le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l'OCDE ou même l'ex-chef du Reform Party, Preston Manning.

Depuis hier, on peut aussi ajouter l'Ontario. La province se joindra au marché du carbone que le Québec pilotait seul avec la Californie. De son côté, la Colombie-Britannique mise sur sa taxe carbone, un autre mécanisme pour faire payer et réduire les émissions. La majorité des Canadiens vivent donc dans une province où le carbone est tarifié.

Il ne s'agit pas d'une infâme «taxe». D'abord, car elle ne gonfle pas artificiellement les prix. Elle permet au contraire de refléter le prix réel, en intégrant le coût des déchets atmosphériques qui était auparavant refilé aux autres. Ce rabais injuste disparaît lentement. D'ailleurs, même si l'homo automobilus rouspète à cause de la hausse de trois cents à la pompe, il profite encore d'un rabais qui freine le développement nécessaire des transports collectifs.

Ce n'est pas non plus une taxe, car l'argent ne sert pas à payer les dépenses courantes de l'État. On l'utilise plutôt pour financer des initiatives de lutte contre les changements climatiques.

Le marché Québec-Californie désavantageait les entreprises québécoises comme les cimenteries qui, contrairement à leurs rivaux ontariens, devaient payer pour leur pollution. Cette iniquité disparaîtra avec l'annonce d'hier.

De nouvelles occasions commerciales pourraient s'offrir. L'Ontario lancera bientôt un vaste chantier de réfection de ses centrales nucléaires. Il devra temporairement se procurer de l'électricité à partir d'autres sources, comme ses centrales au gaz. Or, leur coût de production devrait augmenter avec le marché du carbone, ce qui rendra les exportations d'Hydro-Québec plus compétitives. Reste toutefois à voir les cibles de réduction de l'Ontario pour cette filière.

Le nombre de provinces canadiennes qui tarifient le carbone atteint une masse critique. Plus elle grossit, plus la pression augmentera pour que les autres jouent selon les mêmes règles du jeu.

La prochaine étape est l'Alberta. Les réductions de GES du Québec et de l'Ontario d'ici 2020 risquent d'être annulées par les hausses de la province pétrolière. D'où l'importance qu'Ottawa tarifie le carbone partout au pays et réglemente les combustibles fossiles.

Il y a des coûts dont on parle peu, car ils sont impossibles à chiffrer: celui, pour l'économie canadienne, de ne rien faire. Et celui, pour l'industrie pétrolière, de ne pas verdir et diversifier ses activités. Mais ne rien faire aura un prix.

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