Une campagne électorale ne convient pas pour «débattre de sujets très sérieux», déclarait l'ex-première ministre canadienne Kim Campbell, en 1993. Ça ne semble pas le meilleur moment non plus pour compter.

Sur la route électorale le printemps dernier, les slogans ont déréglé les calculatrices. Une année plus tard, on constate que les cadres financiers des partis souffraient d'un déficit de franchise.

À l'exception de Québec solidaire, tous les partis proposaient le retour à l'équilibre budgétaire en 2015-16. Les caquistes croyaient même pouvoir l'atteindre en 2014-15. Mais chacun a tracé un chemin imaginaire pour y arriver.

Certes, parmi les manifestants, on trouvera peu d'électeurs libéraux qui se disent trompés. Leur allégeance va ailleurs. Reste que le débat sur les finances publiques serait plus serein si on n'avait pas fait miroiter une diète sans douleur.

Dans leur cadre financier, les libéraux promettaient de hausser les dépenses de 4% en santé et de 3,5% en éducation. Ailleurs, ce serait le gel. Cela permettait de maintenir la croissance annuelle des dépenses à 2,88%. Et de maintenir aussi les services. Le budget déposé la semaine dernière est plus chiche.

Les dépenses en santé et éducation n'augmenteront que de 1,4% et 0,2%, soit moins que l'inflation. Bref, c'est une diminution réelle.

Les libéraux se défendent avec un refrain connu: le gouvernement précédent aurait laissé un trou dans les finances publiques. Stupéfaction! Les engagements sont ensuite jetés dans l'insondable profondeur de ce trou.

À sa décharge, Philippe Couillard avait toutefois prévenu qu'il commanderait un rapport sur l'état des finances à son arrivée au pouvoir, et que ses engagements en dépendaient.

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Les cadres financiers à l'encre rose cynique ne sont pas une fatalité. Un antidote existe. C'est la création d'un poste de directeur parlementaire du budget, qui dépose notamment un rapport sur l'état des finances publiques à la veille de chaque campagne électorale.

Ce poste, le Parti québécois le proposait dans l'opposition en 2012, avant d'y renoncer une fois arrivé au pouvoir, puis d'en redécouvrir les charmes l'hiver dernier.

Le gouvernement péquiste avait aussi manqué de franchise avec son cadre financier, qui était son budget. Il l'a déposé quelques jours avant de déclencher la campagne, mais sans les crédits des dépenses. Donc sans dire où se feraient les compressions pour équilibrer le budget.

Ses prévisions étaient par contre un petit peu plus frugales. Les dépenses en santé et éducation devaient croître de 3%. Cette faible hausse créerait de la «discorde», dénonçait malgré tout le chef libéral en campagne électorale.

M. Couillard boude encore l'institution d'un directeur parlementaire du budget, qui existe à Ottawa, Washington et Toronto. Ce poste permettrait d'évaluer de façon indépendante les coûts d'un projet de loi ou d'un programme, et de déposer à la veille de chaque campagne électorale un portrait des finances publiques. Consolation, le premier ministre demandera au vérificateur général de s'acquitter de ce dernier mandat.

Enfin, il n'existera pas d'excuses pour les prévisions fantasques. Ne restera plus qu'à en prendre le temps d'en débattre, au moins autant que les sondages et les pelures de bananes.

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