Commencer par la conclusion n'est pas la stratégie idéale pour raisonner, mais c'est ainsi qu'on débat souvent de l'immigration, en se demandant s'il faut ouvrir plus les barrières ou fermer le robinet. La réflexion devrait être inversée: identifier les besoins économiques, prioriser les candidats qui y correspondent, puis vérifier combien d'entre eux peuvent être accueillis.

Québec échoue à intégrer les immigrants dans le marché du travail, comme le démontre leur taux élevé de chômage. Ailleurs au Canada, ce taux est plus faible, et ce, même si les immigrants sont proportionnellement plus nombreux. On peut soupçonner plusieurs facteurs: manque d'expérience, réseau de contacts peu développé ou possible discrimination. En 2010, le vérificateur général situait le problème en amont. Deux immigrants sur trois étaient sélectionnés même s'ils ne possédaient pas une formation dans un métier en demande, déplorait-il.

Une réforme se prépare maintenant. La ministre de l'Immigration, Kathleen Weil, déposera ce printemps une nouvelle politique, suivie à l'automne par la planification quinquennale et un projet de loi pour modifier le régime.

L'immigration est souvent qualifiée de solution au vieillissement de la population, mais le lien n'est pas direct. Elle ne règle pas le problème à la source en rajeunissant l'âge moyen de façon significative. Et elle ne règle pas forcément la pénurie de main-d'oeuvre qui en résulte, car un immigrant qui occupe un emploi tend à en créer un autre à cause de sa consommation.

Pour atténuer la pénurie d'emplois causée par le vieillissement de la population, la sélection des candidats économiques - la catégorie non humanitaire - doit donc être étroitement arrimée au marché du travail, pour en combler les besoins spécifiques.

L'échec de la politique du «premier arrivé, premier servi» fait consensus. Selon ce système, les candidatures sont traitées selon leur ordre de dépôt. Cette congestion crée d'importants délais. Les meilleurs cerveaux, déjà formés et prêts à contribuer à l'économie, vont voir ailleurs.

Mme Weil demanderait désormais aux candidats de soumettre une déclaration d'intérêt sommaire. On inviterait ensuite les meilleurs candidats à déposer une demande officielle, traitée en priorité. La Nouvelle-Zélande constitue un modèle à cet égard. Elle exige une telle déclaration, et sélectionne plus de 80% de ses candidats parmi les étudiants ou travailleurs étrangers installés de façon temporaire, et donc plus susceptibles de bien s'intégrer.

Et le français? Le gouvernement péquiste avait augmenté en 2013 le poids du français dans la grille de sélection. En 2010, le vérificateur prévenait toutefois déjà que le pointage accordé au français conduisait à recruter des candidats moins qualifiés. Le français, langue commune et langue du travail, est essentiel pour l'intégration. Mais il peut être appris une fois arrivé au pays. Si Québec réduit l'importance accordée au français dans le pointage, il faudra en contrepartie s'assurer que les cours de francisation soient disponibles, suivis et réussis. C'est un pari qu'on ne peut se permettre de perdre.

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