Jean Tremblay a enrichi notre compréhension du catholicisme cette semaine: il existerait aussi un Dieu vengeur. C'est peut-être de lui que le maire de Saguenay s'inspire quand il promet de défenestrer les militants de Greenpeace, en évacuant au passage quelques continents de nuances.

Le dossier est pourtant beaucoup plus complexe. Greenpeace n'est pas la cause initiale des déboires de Produits forestiers Résolu (PFR) au Québec.

L'industrie forestière décline depuis plusieurs années. Résolu était déjà fragile cet automne quand Best Buy a annulé ses commandes. La raison: le détaillant a choisi de s'approvisionner auprès de forestières certifiées vertes. Or, Résolu a perdu sa certification du Forest Stewardship Council (FSC). Les commandes de Best Buy représentaient près du tiers des activités de son usine de Kénogami, au Saguenay.

La certification FSC n'est toutefois pas une création des écolos. Elle a été développée en partenariat avec l'industrie. Les consommateurs réclament un papier «vert», mais les détaillants peinent à évaluer l'empreinte écologique de leurs différents fournisseurs, d'où la création de cette norme internationale. La certification est accordée par une vérification indépendante. C'est au terme de cet audit que Résolu a perdu cette étiquette verte.

C'est plus tard que Greenpeace est intervenu, en menaçant Best Buy d'un boycottage si elle vendait du papier non certifié. Le groupe 3 M a subi les mêmes menaces d'un autre groupe d'écologistes.

Greenpeace a sans doute manqué de sensibilité, car la forestière n'est pas entièrement responsable de ses mésaventures. Elle a perdu sa certification en partie à cause du caribou forestier et des Premières Nations.

Pour être certifiée verte, Résolu devait obtenir l'accord des Premières Nations. Or, elle ne savait pas à qui s'adresser. Les Cris et les Innus réclament chacun que le territoire de coupe leur revient, et ils exigent chacun un mode d'exploitation forestière spécifique. C'est pour régler ce conflit que Québec a engagé cet hiver Lucien Bouchard comme médiateur. Ce litige ne concerne toutefois qu'un des certificats perdus. Résolu a jusqu'à juin pour le regagner.

Un autre certificat a été perdu parce que Résolu ne protégeait pas assez le caribou forestier, une espèce menacée. Elle respectait les normes de Québec, mais elle aurait pu en faire davantage pour obtenir la norme verte.

Devant ces problèmes, Greenpeace aurait dû se montrer conciliante et penser aux emplois menacés. Mais il était peut-être trop tard... Résolu lui avait déjà déclaré la guerre en intentant une poursuite de 7 millions pour diffamation et nuisance commerciale. La raison? Une présentation critique faite en mai 2013 à l'assemblée annuelle des actionnaires à Thunder Bay. La poursuite a été déposée en Ontario, là où il n'existe pas de loi anti-bâillon... Pendant ce temps, des forestières comme Tembec et Domtar collaborent avec les environnementalistes, loin des tribunaux.

Voilà pour les nuances. Mais au Royaume du Bien et du Mal de Saguenay, le gris est une couleur qui n'existe pas.

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