Contrairement à ce que prétend le gouvernement Couillard, la cimenterie McInnis n'est pas un dossier «purement économique». Et malgré le nouveau projet de loi qui vise à bloquer une poursuite d'un compétiteur, le dossier n'est pas encore réglé.

Le litige opposait McInnis à la cimenterie Lafarge et deux groupes environnementaux. Ces écolos s'en sont dissociés il y a quelques jours pour entreprendre une médiation. Le processus, qui durera jusqu'en mai, servira à créer des comités de suivi sur les mammifères marins, les contaminants et les gaz à effet de serre.

La cimenterie gaspésienne deviendra le plus gros pollueur du Québec. McInnis annonce qu'après avoir «rodé» ses équipements pendant environ deux ans, elle pourrait remplacer son polluant combustible - du coke de pétrole - par la biomasse. Elle dit s'être déjà équipée pour ce virage, sans toutefois offrir de garantie. C'est ce genre de question qui sera abordée en médiation.

Si cet étrange processus est nécessaire, c'est à cause de la position confuse de Québec. L'État est à la fois promoteur du projet et gardien des normes environnementales. Mais il s'intéresse surtout au premier rôle.

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En 1995, après 14 ans d'attente, Québec a enfin assujetti les gros projets industriels au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). La demande de la cimenterie gaspésienne a été déposée in extremis trois semaines avant l'adoption du règlement.

Le projet a ensuite piétiné pendant près d'une décennie, jusqu'à l'arrivée de la famille Beaudoin.

En janvier 2014, alors qu'il cherchait à ouvrir une fenêtre électorale, le gouvernement Marois l'a relancé. Pour créer 200 emplois à terme, on offrait une importante aide de l'État (prêt de 250 millions et capital-action de 100 millions d'Investissement Québec). Et ce, sans étudier l'impact sur les autres cimenteries québécoises, qui ne produiraient qu'à 60% de leur capacité. Selon cette entente, Québec n'était même pas créancier prioritaire. Le gouvernement Couillard a au moins renégocié ce dernier aspect.

Le volet environnemental reste toutefois inchangé. En échange de son aide, Québec n'a pas demandé à McInnis de se soumettre à une forme de BAPE. Certes, des études environnementales complètes ont été réalisées. Le BAPE aurait par contre permis au public et aux experts indépendants d'examiner ces études et de recommander si nécessaire de modifier le projet.

Le projet s'élève à 1,1 milliard, et près de la moitié de l'argent a déjà été engagé. Il est trop tard pour renverser la vapeur. Comprenant ce rapport de force désavantageux, les environnementalistes ont donc renoncé à demander un BAPE et espèrent obtenir des gains autrement.

Certes, les émissions de McInnis seront inférieures de 9 à 15% à celles des autres cimenteries québécoises. Et elle souscrira aux normes américaines plus exigeantes.

Heureusement que McInnis manifeste ce volontarisme, en partenariat avec des écolos. Car Québec s'est borné à rappeler que le marché du carbone plafonnera les émissions totales de GES du Québec, comme si cela devenait un prétexte pour ne plus rien exiger. La seule chose de durable dans ce modèle de développement, c'est l'opportunisme.

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