Le chiffre, on l'a répété, donne la nausée. Plus de 180 milliards d'euros ont transité en 2006 et 2007 dans les comptes de la HSBC Private Bank en Suisse, selon les révélations du Monde. Ce vaste système d'évasion fiscale était connu et même encouragé par la banque.

L'indignation risque d'être suivie par son habituel lendemain de veille, l'impuissance et le désabusement. Ces révélations devraient pourtant forcer à débattre de justice fiscale lors de la prochaine campagne électorale fédérale. Afin de contrer l'évasion fiscale, le Canada doit améliorer le renseignement pour trouver les coupables. Et il doit ensuite les punir plus sévèrement.

Cette lutte n'est pas perdue. Depuis la crise économique, les États-Unis ont pris les devants en adoptant une nouvelle loi musclée sur les comptes bancaires à l'étranger (FATCA), qui est entrée en vigueur l'année dernière. L'OCDE a aussi dévoilé l'automne dernier un plan pour endiguer cette saignée de capitaux. Mais le Canada reste en queue de peloton.

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Il faut distinguer trois pratiques: l'évasion fiscale, un crime. L'évitement fiscal, qui étire l'élastique de la loi pour en contourner l'esprit. Et enfin, la planification fiscale, où réduire les impôts est légal, et parfois même encouragé par l'État.

Un programme de divulgation volontaire permet aux Canadiens de rapatrier des sommes cachées illégalement dans les paradis fiscaux. Selon Radio-Canada, l'Agence du revenu du Canada a reçu 264 divulgations liées au dossier HSBC. En vertu de la loi, ces fraudeurs ont dû payer les impôts arriérés, soit 28,4 millions de dollars. Mais ils n'ont payé aucune pénalité. Ottawa n'en impose pas. Aux États-Unis, les amendes peuvent s'élever à 30%.

Pendant ce temps, notre fisc talonne sans relâche les patateries pour qu'elles payent une pénalité sur les hot chicken non déclarés.

Autre problème déjà relevé par le sociologue Alain Deneault et le professeur de droit fiscal André Lareau: le renseignement. Depuis 2009, le gouvernement Harper a signé des ententes avec près de 20 paradis fiscaux pour faciliter l'échange d'information. Ces ententes forcent les banques de ces pays à répondre aux demandes d'information du fisc. Le Canada obtient ainsi le droit de partir à la pêche... La loi américaine exige l'inverse. Elle force les banques étrangères de quelque 80 pays à prendre l'initiative de leur dévoiler les comptes des citoyens américains.

En échange de sa timide demande, le Canada a offert un cadeau. Les paradis fiscaux «alliés» ont obtenu l'exemption contre le double traitement fiscal. Ce principe légitime est déjà offert à quelque 90 pays. Une société canadienne installée, par exemple, en France y paye ses impôts et le Canada ne peut pas l'imposer une deuxième fois. Or, dans les paradis fiscaux, le taux d'imposition est nul. Les sociétés qui s'y installent ne payeront donc pas d'impôt.

Si Ottawa encourage ainsi la fuite des capitaux et le ratatinement de l'État, il devrait au moins se donner les moyens de punir ceux qui violent la loi.

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