On ne peut plus parler des «United Snakes of America», comme raillait Nina Simone, aigrie par une vie de ségrégation. Mais l'ère post-raciale n'a pas commencé. Des milliers de manifestants le rappellent depuis qu'un grand jury a décidé de ne pas poursuivre le policier de Ferguson qui a tué Michael Brown, un jeune Noir non armé.

Il y a déjà eu des Ferguson et il y en aura d'autres. Le baril américain reste rempli de poudre, pour deux raisons: l'inégalité et les préjugés qu'elle suppose. Et la lutte contre le crime qui se militarise et profile les minorités.

Certes, des progrès indéniables s'observent. Le revenu médian d'un ménage noir augmente. En 1980, il n'était que de 57% de celui d'un ménage blanc. Il est rendu à 62%. De plus, la pauvreté recule. En 1980, 32,5% des Noirs vivaient sous le seul de la pauvreté. Le taux est passé à 27,2%. Cela reste toutefois nettement plus que le 12,7% des Blancs. Et enfin, la mixité progresse dans les quartiers et les unions. Il y a 15% des mariages qui sont «interraciaux», un sommet dans l'histoire américaine.

Et bien sûr, le président est d'origine afro-américaine. Tout comme les patrons de Xerox, Merck et American Express. Malgré tout, le gouffre demeure béant.

Le taux de chômage est de 10,7% chez les Noirs et de 5,3% chez les Blancs. L'écart était le même il y a quatre décennies. Des études ont démontré qu'un CV avec un prénom afro-américain intéressait moins les employeurs.

Quant à l'éducation, 31% des jeunes Noirs ne finissent pas leur secondaire (high school) dans un temps régulier. Le taux est de 27% pour les hispanophones et 14% pour les Blancs.

Dans ce baril, l'étincelle est allumée par la lutte contre la drogue. Même si elle n'est pas en cause à Ferguson, elle conduit souvent au même lugubre résultat.

Au nom de ce combat absurde, les policiers ciblent les consommateurs ou les petits trafiquants. Cela mène par exemple à la politique «stop and frisk» de New York, où on interpelle au hasard des citoyens - particulièrement les minorités visibles. Pour un taux de consommation égal de marijuana, les Noirs sont presque quatre fois plus souvent arrêtés. Et ils sont jusqu'à 10 fois plus représentés en prison.

Dans la rue, chacun est sur les dents. Les citoyens sont confrontés à des policiers parfois armés par les surplus militaires du Pentagone, qui croient pouvoir ainsi éradiquer la drogue. Et ces policiers craignent avec raison que le citoyen devant eux soit armé.

Les plaies de la ségrégation se cicatrisent, mais la lente marche vers l'égalité serait plus rapide si on cessait la lutte contre la drogue et contrôlait les armes à feu. Le travail d'un policier américain ne devrait pas ressembler à un mauvais western.

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