La science est vulnérable à la démagogie. On le constate avec la nouvelle cohorte d'élus républicains aux États-Unis, qui prétendent que leur Dieu et leurs tripes suffisent pour réfuter l'écrasant consensus scientifique sur le climat.

Des groupes environnementalistes comme Greenpeace les dénoncent avec raison. Mais ils ont eux aussi la science sélective. Comme les marchands de doute du climat, ils ignorent parfois les faits qui leur déplaisent. La meilleure preuve : leur combat contre les organismes génétiquement modifiés (OGM).

L'année dernière, la conseillère scientifique en chef de la Commission européenne, Anne Glover, a rappelé que « pas un seul élément de preuve » ne justifie d'interdire les OGM.

Greenpeace et huit autres groupes ont alors réclamé sa tête, et même l'abolition de son poste. Ils l'accusaient d'émettre des « opinions partiales » sur ce dossier. Son travail n'était pas « imputable ou transparent », dénonçaient-ils. La riposte a été rapide. Pas moins de 40 grandes organisations scientifiques et 773 chercheurs ont appuyé Mme Glover.

Malgré tout, le couperet est tombé la semaine dernière. Le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a aboli son poste. Il songe à le remplacer par une nouvelle formule de conseillers. Selon le quotidien anglais Telegraph, M. Juncker aurait cédé aux pressions des écolos et de pays comme la France.

Cette croisade pose deux problèmes. D'abord, contrairement à ce que prétendent les écolos, Mme Glover ne parlait pas en son nom personnel. Elle relayait un consensus scientifique clair, partagé entre autres par l'Organisation mondiale de la Santé, l'Association américaine pour l'avancement des sciences et l'Association médicale américaine. Aucun trouble de santé lié à la consommation d'OGM n'a été détecté, rappelait l'année dernière la prestigieuse revue Nature.

L'autre problème avec la missive des écolos, c'est leur solution. Si on tient à la science, il ne faut pas effacer le poste de conseiller en chef. Il faut le renforcer, en augmentant la transparence et les ressources.

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On peut craindre avec raison l'hyper concentration de l'industrie agroalimentaire. Une poignée de joueurs détiennent les brevets, ce qui vulnérabilise les petits producteurs. Mais c'est avant tout un problème économique et agricole, et non de santé publique.

La science est rassurante à cet égard. Certes, consensus ne signifie pas unanimité. Et il n'est pas impossible que des problèmes avec les OGM soient détectés à l'avenir. Mais le principe de précaution ne doit pas se transformer en précautionnisme.

En 2008, le premier ministre Stephen Harper abolissait lui aussi son poste de conseiller scientifique. Sans cette expertise, le Canada deviendra vulnérable aux lobbys, s'inquiétait Greenpeace. « Ils chercheront de petites incertitudes dans les données et s'y attarderont pour jeter un doute sur les résultats. Toute science implique de l'incertitude - c'est ainsi que le système fonctionne. Mais il faut un oeil scientifique pour déterminer si ces incertitudes sont significatives ou non. »

Ça devrait autant être le cas pour les changements climatiques que pour les OGM.

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