Le titre semble presque écrit en majuscules, comme si on voulait le crier aux électeurs. Le nouveau projet de loi conservateur déposé la semaine dernière promet «la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares». Ces cibles: les crimes dits d'honneur, les mariages forcés et la polygamie.

La loi aiderait probablement le combat contre les mariages forcés. Elle risque par contre de créer de sérieux problèmes d'application pour la polygamie. Et elle sera inutile pour les crimes d'honneur.

Le ministre de l'Immigration, Chris Alexander, raconte que l'affaire Shafia l'a notamment motivé à changer la loi. C'est une imposture. Les crimes d'honneur constituent un problème social indéniable, mais pas un problème juridique.

Certes, des accusés ont déjà plaidé que leur meurtre répondait à une provocation, et vengeait leur honneur par le sang. Mais cette défense a été systématiquement rejetée par les tribunaux.

Lorsque les tribunaux ont retenu la notion de crime d'honneur, c'était au contraire pour prouver la culpabilité des accusés ou aggraver leur peine, car ils s'attaquaient à la fois à une personne et à un groupe, comme les femmes.

Le gouvernement conservateur veut maintenant baliser la défense de provocation. On ne pourrait la plaider que si le geste perçu comme une «provocation» est un crime passible d'un emprisonnement de cinq ans. Or, c'est déjà la tendance prise par la jurisprudence. Les tribunaux ne retiennent pas cette défense pour un acte aussi innocent que de fréquenter un garçon qui déplaît à la famille.

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Le mariage forcé est déjà interdit dans le Code civil du Québec. Comme tout autre contrat, on doit y consentir librement. Le projet de loi ne ferait que le réitérer.

Il créerait par contre de nouveaux crimes, comme celui de célébrer ou participer à un mariage forcé au Canada, ou faire voyager une personne à l'étranger pour la marier contre son gré. Pour le prévenir, on pourrait notamment confisquer le passeport.

Le Conseil du statut de la femme a salué ces mesures. Par contre, elles ne s'accompagnent malheureusement pas d'une stratégie de prévention. Cela risque de parfois pousser encore plus dans la clandestinité ce phénomène réel, mais mal documenté.

Le volet sur la polygamie est le plus problématique. La polygamie constitue déjà un crime. Si un résident permanent en est coupable, il peut être expulsé du pays.

Le projet de loi allègerait le fardeau de la preuve. Ce ne serait qu'une procédure administrative. Elle relèverait de l'immigration, et non du criminel. De plus, on ciblerait la polygamie «actuelle ou future». L'intention deviendrait un motif d'expulsion.

Or, la Couronne peine actuellement à prouver la polygamie actuelle en sol canadien. Plusieurs zones grises donnent des maux de tête aux avocats. Pour la prouver à l'étranger, un problème additionnel se posera, car les preuves de mariages et autre documentation sont d'une fiabilité très variable. Cela ouvre la porte à des décisions arbitraires.

La loi pourrait aider la lutte contre la communauté polygame mormone de la Colombie-Britannique. Mais elle semble aussi beaucoup conçue pour les prochaines publicités électorales.

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