« Si j'étais musicien aujourd'hui, pour gagner ma vie, il faudrait que je fasse le service au bar pendant l'entracte de mes propres spectacles », racontait la semaine dernière le parrain du punk, Iggy Pop.

Les déboires de l'industrie musicale se poursuivent. Depuis 2001, les ventes de copies physiques ont baissé de 50 %, entre autres à cause du téléchargement illégal. La hausse des ventes numériques n'a jamais compensé cette chute, mais elle a servi de parachute pour l'adoucir. Les revenus de l'industrie s'étaient même stabilisés depuis deux ans.

Mais on assiste maintenant à un nouveau plongeon. Les ventes numériques chutent à leur tour. Le coupable : l'écoute en continu (streaming). Au lieu de télécharger la musique en ligne (gratuitement ou non), les internautes vont sur des sites comme Spotify ou Deezer.

Même si les sous noirs ont été retirés du marché, ils servent encore en musique. La Commission du droit d'auteur du Canada verse aux artistes 1 cent par 100 écoutes sur ces sites. Plusieurs des gagnants de l'ADISQ dimanche soir ne recevront pas assez d'argent cette semaine de ces sites pour s'acheter un hot dog vapeur.

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L'ère numérique constitue un chambardement, et non une catastrophe. Pour les mélomanes, c'est même une bénédiction. Ils obtiennent un accès encyclopédique sans précédent aux oeuvres.

Pour l'industrie, la destruction créatrice de la technologie menace encore. Il est inutile de se battre contre le courant. Il faudra utiliser la formidable vitrine du web pour que la musique de nos musiciens soit non seulement présente, mais aussi saillante sur les différentes plateformes numériques. Cela peut même s'exiger. Ce sera incontournable pour attirer le public aux spectacles et autres productions des musiciens.

De plus, il faudra s'assurer qu'ils récoltent leur juste part des revenus sur ces plateformes.

Comme le soulignait notre dossier spécial publié dans les Arts la semaine dernière, environ 5 % du budget de dépenses des Québécois va à la culture. Mais au lieu d'être utilisé pour acheter des oeuvres, il sert plutôt à acheter la tuyauterie (ordinateur, tablette numérique, iPod, etc) qui offre gratuitement ou presque ces oeuvres.

La tarte ne grandit pas, et de plus en plus de gens se mettent à table. Il faudra mieux répartir les portions. La Commission du droit d'auteur du Canada devrait augmenter la redevance et modifier la formule. Aux États-Unis, les ayants-droits reçoivent 10 fois plus par écoute. Et ils peuvent aussi recevoir un pourcentage des revenus du diffuseur.

Malgré tout, ce ne serait qu'un petit gain. Les subventions à la musique devront également être révisées pour être plus efficaces. C'est une des taches qui attend notamment le comité sur la musique lancé par Québec dans le cadre de sa stratégie numérique.

Deux principes devraient les guider. Récompenser ceux, comme les étiquettes indépendantes, qui ont réussi à optimiser leurs coûts. Et s'assurer que l'argent aille avant tout aux créateurs, particulièrement ceux qui sont talentueux, mais moins établis, à qui l'argent profitera vraiment.

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