«La vérité se trouve au fond de nos tripes... Saviez-vous qu'il y a plus de neurones dans vos tripes que dans votre tête?», ironisait l'humoriste Stephen Colbert, en 2006, pour narguer le président Bush, davantage intéressé par son instinct que par la raison et la science.

Le gag serait plus pertinent aujourd'hui au nord de la frontière. Alors que les États-Unis ont renforcé leurs institutions scientifiques, le Canada a reculé. Beaucoup.

Une récente étude du groupe Evidence for Democracy démontre à quel point le gouvernement Harper a sapé la science qui observe et surveille. Ces chercheurs du fédéral ont désormais moins d'argent, et moins de liberté pour parle‎r.

Ce fut un grugeage insidieux, car lent et méthodique. Un petit échantillon des victimes: Conseiller scientifique centre de recherche sur les dépendances, Comité consultatif sur les espèces en péril, Fondation pour les sciences du climat, laboratoires sur la pollution marine et recensement de Statistique Canada.

M. Harper s'épargne ainsi plusieurs critiques de son inaction environnementale et de sa justice répressive.

Rebâtir cette expertise sera difficile. En attendant, deux réformes pourraient se réaliser rapidement. Il faut qu'elles soient débattues lors de la prochaine campagne électorale.

La première: démuseler les chercheurs fédéraux en adoptant une nouvelle politique de communication. On devrait leur permettre de parler de leurs travaux sans demander le feu vert d'un relationniste, d'exprimer leurs opinions personnelles s'ils précisent que cela n'engage pas le gouvernement, et enfin de réviser les rapports officiels qui utilisent leurs travaux, afin qu'on ne les dénature pas.

Ces protections sont d'ailleurs maintenant offertes aux États-Unis par la Fondation nationale pour la science et l'Agence responsable de l'étude de l'océan et de l'atmosphère. De son côté, le Canada a compliqué son parcours à obstacles pour ses scientifiques. En mars dernier, La Presse Canadienne sollicitait une interview avec un spécialiste des algues envahissantes de Pêches et Océans Canada. La requête a généré 110 pages de courriels entre 16 responsables de communication.

La seconde réforme: créer une instance scientifique pour éclairer les débats. Différents modèles s'offrent. On pourrait reprendre celui du Bureau de la science des États-Unis. Cet organisme indépendant répond aux questions des élus sur les politiques et projets de loi. C'est la version scientifique du Directeur parlementaire du budget, un poste qui existe déjà à Ottawa pour répondre aux questions économiques. Le NPD propose cette solution.

On pourrait aussi élargir les pouvoirs du Conseil des sciences, de la technologie et de l'innovation. Ce groupe offre déjà des conseils, mais seulement au gouvernement, et de façon confidentielle.

Il ne s'agit pas de créer une expertocratie. La science ne tranche pas les débats. Elle les éclaire plutôt, en illustrant les conséquences des choix. Vouloir se priver de cette information, c'est se battre pour la noirceur.

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