Il y a un mot pour qualifier la chasse aux sources journalistiques de la Sûreté du Québec (SQ) : intimidation. Dans le sens le plus fort du terme, soit d'essayer de contraindre une personne à faire ce qu'on veut. Et dans ce cas-ci, l'objectif est le silence, autant celui des journalistes que des sources qui les alimentent.

Le combat de la SQ est celui de l'immobilisme. La défense de la réputation des policiers semble avoir préséance sur la sécurité publique. Et cette dérive s'accomplit depuis quelques années avec la complicité de Québec.

Notre collègue Patrick Lagacé racontait hier l'opération vipérine des enquêteurs. Ils lui demandaient de dévoiler ses sources dans l'affaire Davidson, faisaient planer des menaces et répandaient de fausses rumeurs sur sa collaboration, pour inciter d'autres reporters à parler.

Selon les révélations du Journal de Montréal et de La Presse, ce retraité du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a volé une liste secrète d'informateurs. Il possédait environ 1500 fiches d'informateurs actifs, et 10 500 d'anciennes sources. Il voulait les vendre à la mafia, qui aurait pris connaissance du nombre de taupes, et de l'identité de quatre d'entre elles.

Le SPVM s'est senti humilié, avec raison. Mais au lieu de se préoccuper du cafouillage de la police - le véritable problème - , le gouvernement libéral a laissé avec indifférence le Directeur des poursuites criminelles commander à la SQ une chasse aux sources. Et il a refusé d'exclure l'écoute électronique des journalistes.

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Il n'existe pas de droit absolu à la confidentialité des sources journalistiques. La Cour suprême l'a encadré à partir d'un test assez simple. Le critère essentiel : le maintien de l'anonymat doit servir l'intérêt public. Tout indique que c'était le cas dans l'affaire Davidson.

Des policiers craignaient que la taupe s'en tire avec une amende de 5000 $, comme le voulait la rumeur, et qu'on étouffe cette crise. Ils ont donc sonné l'alarme.

Et il n'y a pas eu d'entrave. Les fuites sont survenues six mois après le début de l'enquête interne secrète du SPVM. Davidson se savait alors piégé. On ne risquait donc plus de torpiller l'enquête. Et malgré tout, pour s'assurer de ne pas nuire à ce travail, nos collègues et d'autres médias n'ont pas publié certaines informations.

Malheureusement, cette chasse aux sources n'est pas un phénomène isolé. Par exemple, Michel Arsenault, ex-patron de la FTQ, a aussi demandé et obtenu du gouvernement péquiste une enquête pour savoir qui a coulé des informations à son sujet, en lien avec l'enquête Diligence.

On comprend que la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, hésite à commenter une enquête particulière de la SQ entamée avant son arrivée en fonction. Mais il ne faudrait pas qu'elle acquiesce à de futures demandes de chasse aux sources. En parallèle, pour améliorer la transparence, le gouvernement Couillard devrait renforcer la Loi sur l'accès à l'information et adopter une nouvelle loi pour protéger les dénonciateurs.

Quant à la SQ et au SPVM, ils devraient adopter une nouvelle stratégie, plus conséquente avec leurs récents échecs : celle de la petite gêne.

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