Rendre le vote obligatoire, comme songe à le faire le Parti libéral du Canada, est un remède imparfait pour une maladie mal diagnostiquée.

Le débat est moins récent qu'on ne le croit. Dans la Grèce antique, une corde teinte en rouge encerclait l'assemblée pour s'assurer que personne n'échappe à son devoir civique.

Une trentaine de pays font encore aujourd'hui du vote non seulement un droit et un devoir, mais aussi une obligation. Leur taux de participation y dépasse habituellement les 90%. Au Canada comme dans la plupart des autres démocraties occidentales, il a beaucoup diminué depuis 20 ans.

Certes, le vote obligatoire augmenterait la participation. Mais ce serait une façon réductrice de poser le débat.

Il est vrai que la faible participation des électeurs pose problème, pour trois raisons. D'abord, elle nuit à la légitimité de nos élus. Ensuite, elle biaise le vote. Ceux qui ne votent pas ont tendance à être plus pauvres et moins éduqués. Et enfin, elle biaise les stratégies politiques. Un parti peut gagner les élections en s'adressant à sa base et en faisant «sortir le vote».

Mais le taux de participation n'est pas un baromètre parfait de la santé démocratique. Un taux de participation élevé est même parfois mauvais signe. Il peut résulter de débats toxiques qui polarisent la population.

Et à l'inverse, l'abstention n'est pas un message facile à décoder. Certes, elle peut s'expliquer par le manque de choix ou le désabusement. Il y a toutefois d'autres hypothèses. Peut être que des abstentionnistes se méfient peu des autres citoyens, assez pour les laisser choisir.

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Deux autres arguments pour le vote obligatoire sont fragiles : l'argument progressiste et l'argument éducatif.

Selon les progressistes, la contrainte augmenterait le poids électoral des pauvres. Les gouvernements les défendraient donc davantage. Or, c'est présumer que les gens votent en fonction de leurs intérêts. Ce n'est pas si clair. On vote avant tout par devoir civique. Et ce choix reflète plus une identité et des valeurs politiques qu'un calcul pour servir nos intérêts.

Autre postulat incertain: que le vote obligatoire inciterait les électeurs à mieux s'informer. Cela a été peu testé empiriquement. Une étude québécoise réalisée en 2007 n'a d'ailleurs pas prouvé ce lien.

La baisse du taux de participation provient surtout des jeunes. Depuis une dizaine d'années, les jeunes adultes votent moins, et ils gardent cette habitude en vieillissant. Les causes sont complexes. Elles ne sont probablement pas étrangères à l'individualisation de notre société séculière.

Si ce désengagement constitue le problème, au lieu de forcer un geste aux quatre ans, il serait peut être préférable de s'attaquer aux causes, par exemple en adoptant un cours d'éducation civique.

Et si notre démocratie canadienne souffre d'une maladie particulière, la solution se trouve peut être ailleurs: dans notre Parlement dysfonctionnel.

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