Les métaphysiciens devraient s'intéresser plus au golf. La Coupe Ryder a encore une fois tranché hier un de leurs vieux débats. Non, le corps n'est pas séparé de l'esprit. Sinon, comment expliquer les élans spasmodiques des Américains, incapables de caler sous pression des roulés de trois pieds pour sauver leur honneur?

Le court espace entre nos deux oreilles abrite un mystère où peut disparaître le bon sens.

Ce tournoi oppose chaque deux ans les États-Unis à l'Europe. Douze pros habitués à jouer pour leur portefeuille deviennent alors une équipe. Et leurs nerfs sont testés comme jamais dans leur carrière.

C'est pour cela qu'on scrute tant le capitaine, qui doit opérer cette transformation. Cette année, les efforts du capitaine américain Tom Watson ont surtout produit un malaise.

Le golf célèbre habituellement la langue de bois. Il y avait donc quelques grimaces en conférence de presse hier quand la vedette américaine Phil Mickelson a attaqué son capitaine, assis à ses côtés, avec le reste de l'équipe. Selon lui, il aurait fallu un autre leadership, moins autoritaire et distant.

Malgré cette fronde, la défaite américaine illustre peut-être plutôt les limites du leadership, et aussi les limites du sentiment national comme motivation dans le sport par équipe.

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Il existe beaucoup de modèles au magasin des gourous: le style autoritaire, démocratique, empathique, inspirant... Watson appartient à la vieille école. Il décide seul, parfois en contredisant ce qu'il a dit la veille, sans sentir le besoin de se justifier.

Bien sûr, si sa stratégie avait fonctionné, ç'aurait été un génie. Quand les chevaux sont relâchés sur la piste, le capitaine peut bien claquer son fouet à distance, mais il reste un spectateur.

On pourrait croire que le capitaine américain aurait plus de facilité à insuffler de l'âme à son équipe. Ses joueurs sont des compatriotes. Ce n'est pas le cas des Européens, dont les joueurs viennent de huit différentes nations.

D'ailleurs, la compétition se déroulait en Écosse, qui s'est presque séparée du Royaume-Uni il y a deux semaines. Et le Royaume-Uni pourrait organiser un référendum d'ici 2017 pour quitter l'Union européenne.

Mais le sport par équipe se compare plus à la guerre qu'à la politique. La solidarité revient à la meute avant le drapeau. La dernière victoire américaine en 2008 le démontre. Le capitaine américain s'était même inspiré d'une méthode des Navy Seal. En préparation du tournoi, il avait divisé l'équipe en trois groupes pour tisser des liens encore plus étroits entre les individus.

Enfin, en plus du leadership et du sentiment national, la Coupe Ryder illustre une troisième limite: celle de l'analyse. Il y a une part d'insondable dans la performance sportive, du moins quand on la regarde depuis les gradins.

C'est un travail qui, pour reprendre une formule consacrée, consiste parfois à regarder les combats à distance, puis à se rendre par la suite sur le champ de bataille et tirer sur ceux qui y gisent encore.

paul.journet@lapresse.ca

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