L'internet ressemble à une utopie. Accès à la connaissance, libre circulation de l'information et vecteur de transparence; c'est à la fois un moteur de développement et un grand égalisateur.

Cette utopie s'incarne particulièrement dans la «neutralité de l'internet», un principe que pourrait revoir la Federal Communications Commission (FCC), l'équivalent américain du CRTC.

Un usager peut actuellement choisir parmi différents forfaits internet, en payant plus cher pour une connexion plus rapide. Mais s'il s'abonne par exemple à une connexion rapide, celle-ci devrait fonctionner à la même vitesse, peu importe le site visité ou le type de contenu téléchargé. En d'autres mots: la tuyauterie d'internet ne doit pas discriminer en fonction de la source, la destination ou du contenu. C'est ce qu'on appelle la neutralité d'internet.

Il s'agit d'une question d'équité pour le consommateur d'un forfait internet. Il ne faudrait pas orienter le choix de site qu'il consulte en le ralentissant. C'est aussi une question d'équité pour les sites qui consomment de la bande passante. Tous devraient avoir la même chance de partager leur contenu.

Ce principe a déjà été attaqué par deux jugements des tribunaux américains. La FCC pourrait maintenant le diluer davantage. Elle étudie une proposition qui permettrait d'y déroger pour des motifs commerciaux «raisonnables», un critère qui reste à définir. Les consultations à ce sujet se sont terminées cette semaine.

Le régime proposé autoriserait un géant comme Verizon à instaurer un système à deux vitesses. Ce fournisseur d'internet pourrait par exemple charger plus cher au site Netflix. Il est vrai que Netflix consomme une quantité monstrueuse de bande passante - jusqu'à un tiers du total américain.

La solution de la FCC a toutefois le défaut d'accorder plus de pouvoir au secteur économique le plus concentré, et donc le moins compétitif. La majorité des Américains n'ont même pas la possibilité de choisir leur fournisseur.

Si Verizon et Comcast réclament de nouveaux moyens, ce n'est pas pour financer des investissements dans leurs infrastructures. C'est plutôt pour conclure des ententes profitables avec certains partenaires. Et cela pourra avoir un effet pervers. Les jeunes start-ups en technologie pourraient devoir payer plus cher que certains géants pour leur bande passante. Elles seraient ainsi désavantagées dès le départ, ce qui nuirait à l'innovation.

Si ces géants américains gagnent, les fournisseurs canadiens pourraient essayer d'obtenir les mêmes droits au nord de la frontière. Heureusement, le CRTC réussit actuellement à protéger la neutralité de l'internet et les intérêts des consommateurs, rappelle Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet.

Il faudra néanmoins demeurer vigilant, d'autant plus que le marché canadien est intégré verticalement. Des fournisseurs d'internet comme Bell possèdent aussi des médias et autres producteurs de contenu. Et il sera tentant de vouloir les promouvoir avant ceux des autres.

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