Il y a des appels plus difficiles à ignorer que d'autres. À l'aube du sommet de l'OTAN, le président américain rappelait il y a quelques jours au premier ministre Harper que la hausse du budget de défense des alliés figurait au « sommet des priorités ».

Le Canada y consacre 1 % de son PIB. Les membres de l'OTAN s'étaient engagés en 2006 à atteindre la cible de 2 %. Certes, l'OTAN n'est plus engagée dans six conflits, comme c'était le cas en 2011. Mais la menace russe inquiète de plus et plus, et pas seulement en Ukraine.

Il est normal que les États-Unis et le Royaume-Uni souhaitent plus d'aide de leurs alliés. Mais le débat sur la contribution canadienne est mal engagé. Il porte seulement sur les chiffres, sans réfléchir aux objectifs et aux moyens disponibles.

Les Forces armées canadiennes ont été saignées par les libéraux dans les années 90, avec des compressions d'environ 30 %. Le budget a ensuite été haussé par le gouvernement Martin et le premier gouvernement Harper. Puis survint la crise financière. C'est depuis le retour des ciseaux. Les compressions s'élèvent à près de 3 milliards depuis 2011. Le financement est maintenant revenu au niveau de 2005.

Cela ne devrait pas tant surprendre. Le gouvernement conservateur veut éliminer le déficit, et le budget militaire est discrétionnaire et donc facile à réduire. Cela s'observe ailleurs aussi. Pas moins de 24 des 28 membres de l'OTAN se situent encore sous la cible du 2 %.

M. Harper a donc raison de ne pas viser bêtement ce pourcentage. Malgré les engagements envers l'OTAN, il demeure maître de sa politique étrangère. Le problème, c'est qu'on ne comprend pas ce qu'il veut en faire.

Ottawa mise encore sur sa stratégie Le Canada d'abord, élaborée en 2008. On prévoyait alors d'augmenter pendant 20 ans le budget de la défense. C'est le contraire depuis.

L'entretien de l'équipement vétuste coûte cher. Par exemple, les hélicoptères Sea King datent de 50 ans. Et le remplacement est laborieux. Le quart du budget en remplacement des équipements n'a pas été utilisé l'année dernière, et le fiasco du remplacement des F-35 se poursuit.

Si M. Harper ne souhaite pas augmenter le budget des Forces, il devrait réviser sa stratégie. Plusieurs propositions sont déjà sur la table.

L'hiver dernier, une étude de l'Institut de la Conférence des associations de la défense recommandait par exemple de fermer des bases comme celles de Borden au nord de Toronto, qui n'abrite plus de troupes opérationnelles.

Autre proposition : les Forces pourraient limiter certaines activités pour se concentrer dans des niches. L'OTAN a ouvert la porte en 2010 à une telle spécialisation de ses membres, rappelle Philippe Lagassé, politologue de l'Université d'Ottawa.

Pendant ce temps, le gouvernement conservateur joue les matamores en comparant les Russes aux nazis et cherche les caméras pour poser avec les soldats. C'est la stratégie de l'hypocrisie militaire.

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