Internet expédie un autre modèle d'affaires aux poubelles. Loto-Québec ne réussit pas à conquérir le nouveau marché du jeu en ligne. Ses parts ne sont que de 10%, ou 20% en incluant les casinos virtuels. Pourtant, la société d'État est le seul opérateur au Québec autorisé par la loi.

La majorité du marché de quelque 250 millions opère ainsi dans l'illégalité. Et cet argent échappe au fisc.

Dans son dernier rapport annuel, Loto-Québec avoue ne pas « être en mesure d'augmenter significativement » sa part de marché. Elle a donc sagement reporté le dépôt de son nouveau plan stratégique pour réfléchir notamment à cette question.

Au lieu de pomper plus d'argent public dans l'espoir de battre des géants internationaux, Loto-Québec devrait opter pour un modèle qui semble plus rentable et moins risqué: s'allier avec ces entreprises. La société d'État les sortirait de l'illégalité. En échange, elle recevrait une forme de taxe ou de redevance. C'est ce qu'a suggéré ce printemps un rapport du Groupe de travail sur le jeu en ligne, remis au ministre des Finances. Il ne serait pas nécessaire de modifier le Code criminel, à condition que Loto-Québec garde le contrôle.

Les planètes semblent maintenant s'aligner pour une entente. Depuis le dépôt de ce rapport, la société québécoise Amaya a annoncé qu'elle avalera PokerStars et Full Tilt Poker. Elle deviendrait alors le numéro 1 mondial.

Il serait plus facile de s'entendre avec une société basée à Montréal. D'autant plus qu'Amaya veut rendre ses activités légales.

Dans la réflexion sur le nouveau modèle de jeu en ligne, l'économie ne doit pas être le seul critère. La santé publique doit aussi être considérée. À cet égard, le passé sert de leçon.

En 2010, quand Loto-Québec se lançait dans le jeu en ligne, l'Institut de la santé publique sonnait l'alarme. Selon ses chercheurs, l'État publiciserait le jeu en ligne et lui donnerait une caution morale, particulièrement auprès des jeunes. Cela ferait augmenter le nombre de joueurs pathologiques, prévenait-on. Mais la catastrophe n'a pas eu lieu. Les récentes données de la Chaire de recherche sur l'étude du jeu le démontrent. On y apprend que de 2009 à 2012, le pourcentage de joueurs en ligne est passé de 1,4 à 1,5%. Soit une variation non significative. Et la proportion de joueurs pathologiques est aussi restée stable, à 0,4%.

Des critiques puritains s'opposeront à toute caution morale du jeu en ligne par Loto-Québec. Mais ce n'est pas parce qu'on se garde les mains propres qu'on élimine la saleté. Et la société d'État peut limiter les dégâts en continuant de faire de la prévention, et aussi en soumettant ses partenaires aux mêmes exigences qu'elle se donne déjà: interdire aux mineurs de jouer, permettre aux adultes de plafonner leur mise ou imposer un préavis pour modifier ce chiffre.

Alors que Loto-Québec investit près de 400 millions dans ses casinos et que le nombre de joueurs baisse, il est temps d'examiner des modèles plus profitables.

paul.journet@lapresse.ca

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