Le Bloc québécois n'a pas tant choisi un nouveau capitaine qu'une nouvelle destination, samedi dernier. L'élection de Mario Beaulieu marque une rupture avec l'héritage du parti.

Certes, le Bloc a toujours été indépendantiste. Mais depuis plusieurs années, à Ottawa, il visait d'abord à défendre «les intérêts du Québec». Ses élus voulaient améliorer les lois fédérales en fonction de ce critère. Leur travail législatif était donc celui d'un parti nationaliste, ce qui leur permettait de séduire aussi des fédéralistes. Une preuve parmi tant d'autres: leur travail rigoureux en justice criminelle.

Cela venait toutefois avec un risque pour le Bloc, celui de démontrer que la fédération canadienne peut fonctionner. L'ex-chef Gilles Duceppe défendait cette ambiguïté. Il disait refuser «la politique du pire», celle de souhaiter un recul du Québec dans la fédération dans l'espoir de faire mousser la souveraineté.

Puis est venu le choc d'avril 2011. La vague orange a presque causé le naufrage du Bloc. Des bloquistes pouvaient encore se croire victimes d'un coup de foudre entre les Québécois et Jack Layton et les néo-démocrates.

La défaite brutale du Parti québécois ce printemps a toutefois prouvé que le problème était structurel, particulièrement chez les jeunes.

Les partis frères sont maintenant confrontés au même choix: mettre la souveraineté en veilleuse pour mieux gagner la prochaine élection, ou la promouvoir davantage pour la raviver.

Les militants bloquistes viennent de choisir la deuxième option avec M. Beaulieu. Cette victoire s'explique peut-être par l'évolution du nombre de membres. Celui-ci a chuté. Le parti en compte environ 19 000, contre 36 000 après la défaite de 2012. Le nouveau chef a reçu environ 6000 votes (53% d'appuis, avec un taux de participation de 58%). Il semble que ce sont surtout les durs qui sont restés. La victoire du nouveau chef aurait été obtenue par soustraction.

M. Beaulieu propose un changement de cap majeur. Il veut que les quatre députés bloquistes - qui ne l'appuyaient pas durant la course à la direction - passent moins de temps à Ottawa. Ils sillonneraient plutôt le Québec afin de lancer une «campagne permanente pour l'indépendance». Améliorer les lois fédérales ne serait plus leur objectif. Il est vrai que leur influence était devenue négligeable à la Chambre des communes. Le Parlement canadien leur servirait désormais de tribune pour faire le procès du fédéralisme. M. Beaulieu veut ainsi devenir le caillou dans la chaussure de la fédération.

Ce Bloc nouveau ressemblera plus à un groupe de pression indépendantiste qu'à un parti fédéral. Et la cible de ses pressions est déjà connue: le Parti québécois, en pleine réflexion existentielle.

Quant à eux, les péquistes ont manifesté bien peu d'intérêt pour la course de leur allié au fédéral. Le Bloc leur servira néanmoins de laboratoire dans les prochains mois.

M. Beaulieu voudrait que sa stratégie influence celle des prétendants à la direction péquiste. Il y a toutefois un risque pour lui: les influencer non pas par ses actions, mais par ses échecs.

Si l'approche pure et dure de M. Beaulieu aliène encore plus d'électeurs, elle servira de mise en garde aux péquistes. Le nouveau chef bloquiste dit vouloir «rassembler» les Québécois. Mais scander le douteux «Nous vaincrons», comme ses partisans l'ont fait samedi, ne fera que l'enfoncer encore un peu plus dans la logique de la soustraction.

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