Il est peut-être plus difficile de libérer un peuple que de le gouverner. On le constate avec les nouvelles élections de sortie de crise en Égypte. Et on trouve un cas encore pire en remontant le Nil jusqu'à Juba, ville du Soudan du Sud, où on cherche encore le charnier des derniers massacres.

La guerre civile se déchaîne déjà dans le plus jeune pays du monde. Le Soudan a passé la majorité de sa jeune histoire en guerre. Un accord de paix signé en 2005 a mené à la tenue d'un référendum en 2011, et à la création du Soudan du Sud.

Mais comme une poupée russe, ce conflit en recélait un autre. En décembre dernier, le président Kiir prétendait que son ancien bras droit, Riek Machar, fomentait un coup d'État. On dénombre depuis des dizaines de milliers de morts, et plus d'un million de survivants ont fui leur maison. La famine les guette.

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Plus que l'impuissance, de telles tragédies témoignent de deux autres menaces: l'incompréhension et l'indifférence.

Dans «Why do we continually misunderstand conflict in Africa?», une chercheuse britannique déplorait récemment qu'on réduise ces luttes à leur dimension ethnique. Cela s'applique au Soudan du Sud. Les Dinkas, comme le président, y combattent les Nuers rebelles, mais le conflit est beaucoup plus complexe.

L'économie du pays dépend presque exclusivement du pétrole et de l'aide internationale. Deux sources de revenus instables, et concentrées entre les mains du pouvoir. Avec M. Kiir, la patrie s'est confondue avec le parti, au mépris de la plupart de 70 groupes ethniques. Ajoutons à cela que la majorité de la population est analphabète. On obtient tous les ingrédients pour l'exclusion et la corruption, qui ont fait ressurgir le magma à la surface. La pauvreté extrême rend tout inflammable.

On ne peut pourtant pas dire que la communauté internationale s'est fermé les yeux. Elle a fourni une aide à la fois financière, militaire et diplomatique. L'aide versée depuis 2005 dépasse les quatre milliards. Mais elle a pu être détournée à cause du manque de suivi.

Près de 7000 casques bleus sont déployés sur le terrain. L'ONU leur a donné cette semaine le mandat d'utiliser la force si nécessaire pour protéger les civils. Mais ils patrouillent dans un territoire vaste comme la France, avec un réseau routier incomplet et souvent impraticable durant la saison des pluies qui commence.

Les États-Unis et d'autres puissances régionales ont contribué à la signature d'une trêve en janvier, puis d'une autre en mai. Elles ont été vite déchirées. Et on ignore si les deux politiciens contrôlent encore leurs guérillas sur le terrain.

Si la gradation de l'horreur est possible, on pourrait dire que sans cette aide, le drame serait pire. Et l'oubli reste toujours une menace, car il y a beaucoup de compétition entre les conflits pour attirer l'attention. D'ailleurs, on ne parle déjà plus trop de celui en Centrafrique.

Pourtant, il est nécessaire d'en parler, ne serait-ce que pour rappeler que cela existe.

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