Le candidat avait promis beaucoup en campagne électorale. Il faut reconnaître que le premier ministre déploie maintenant beaucoup d'énergie pour changer la façon de faire la politique à Ottawa, comme il s'était engagé à le faire. Mais l'exercice périlleux commence.

En rencontre éditoriale à La Presse pour brosser un portrait des 100 premiers jours de son gouvernement, Justin Trudeau témoigne d'une volonté sincère de livrer la marchandise... tout en reconnaissant qu'il a pris de nombreux engagements, et que ce sont des engagements difficiles. Pensons à l'accueil des réfugiés, à la poudrière du Moyen-Orient, à l'entente à renégocier sur les transferts en santé aux provinces ou aux promesses envers les familles de la classe moyenne.

Changer les façons de faire signifie d'abord rétablir un dialogue et un partenariat avec les provinces dans la quête d'une vision commune, malgré les particularités de chacune.

Un défi que Justin Trudeau mettra rapidement à l'épreuve, car ce ne sont pas les dossiers qui manquent : santé, infrastructures ou environnement, à commencer par le controversé tracé de l'oléoduc Énergie Est.

« C'est le rôle du gouvernement fédéral, d'après moi, de tisser ça ensemble en un tout qui reflète ces différentes priorités, mais qui présente une vision d'ensemble. Ça ne se fait pas si on n'est pas prêt à s'asseoir et à écouter les dirigeants des provinces, les maires des grandes villes, pour trouver des points en commun », a-t-il dit.

La politique à la sauce Justin Trudeau, c'est aussi et d'abord ce courant qui continue de passer avec l'électorat. Look décontracté, à l'écoute des populations, le premier ministre s'adresse au public comme aux médias en étant visiblement soucieux de ne pas user de la langue de bois. Même sur une question très sensible comme la mission canadienne contre le groupe État islamique, où il reconnaît que l'intervention militaire est plus risquée qu'avant. Souhaitons que cet état d'esprit perdure.

C'est toutefois sur des questions humaines qu'il se montre le plus sensible, particulièrement en ce qui concerne les autochtones. Justin Trudeau critique vertement « l'hypocrisie d'un pays » qui fait la leçon à d'autres sur des questions de droits humains, de pauvreté et de racisme, mais qui ne montre ni volonté ni capacité à s'engager pour en finir avec ce qui est une « honte » pour le Canada.

Après 100 jours au pouvoir, le portrait est optimiste. Il faudra attendre quelques mois encore pour que les intentions cèdent le pas aux réalisations. Ce sera le vrai test. Le gouvernement libéral devra inévitablement se concentrer sur quelques dossiers prioritaires, car tous ne pourront pas suivre le rythme, à commencer par les provinces.

Les consultations, la quête d'un consensus et le désir d'en arriver à des « solutions raisonnables » procèdent de nobles intentions. Mais même en respectant les disparités, il sera difficile de plaire à tous.

Si le premier ministre doit jouer un rôle de rassembleur pour imposer une vision commune, il reste qu'il a aussi un rôle d'arbitrage. À terme, Justin Trudeau n'aura pas le choix de le jouer. C'est à ce moment que nous serons vraiment en mesure de tester les limites de la nouvelle façon de faire la politique qu'il tente de mettre de l'avant.