Le pari est téméraire.

Pendant que le premier ministre Justin Trudeau se positionne dans une perspective à long terme sur la scène internationale, participant à quatre sommets en deux semaines et rencontrant ses homologues étrangers, son absence ici risque de ternir son image auprès des Canadiens.

Son devoir est pourtant envers eux, d'abord. C'est particulièrement vrai dans la foulée des attentats de Paris et de l'ambiance qui prévaut depuis, un mélange d'incertitude, de menaces diffuses ou réelles et d'inquiétude.

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La place du Canada à l'étranger est devenue un enjeu de la récente campagne électorale. La volonté de Justin Trudeau de retrouver cette image d'un Canada progressiste et humaniste qui a fait la fierté des Canadiens depuis Lester B. Pearson a contribué à l'élection des libéraux qui a été reçue comme une bouffée d'optimisme après des années de noirceur.

Sitôt élu, le premier ministre a posé les jalons pour honorer ses engagements, ce qu'il faut saluer. Mais il apprend à la dure. Son désir de se positionner rapidement à l'étranger s'inscrivait dans cette logique. Or, les actes barbares de vendredi ont changé la donne.

La France est en guerre. L'Occident est aux abois. Le Canada n'est pas épargné, ayant vécu des attaques terroristes.

Dans un contexte de crise, on attend d'un dirigeant qu'il assume le leadership.

On a plutôt vu un premier ministre ébranlé qui cherchait ses mots, on a eu droit à des comptes rendus de proches conseillers ainsi qu'un point de presse impromptu, mais non convaincant, dans l'avion faisant route vers le sommet de l'APEC.

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Revendiqués par le groupe État islamique, les attentats de Paris ramènent à l'avant-scène deux engagements électoraux majeurs : le retrait du Canada des frappes aériennes en Irak et en Syrie ainsi que l'accueil de 25 000 réfugiés d'ici la fin de l'année.

Deux semaines après son assermentation, le Conseil des ministres a certes besoin de temps. Mais il faut une orientation claire, ce qui fait défaut actuellement, prêtant flanc aux critiques.

Que Justin Trudeau soit déterminé à retirer les F-18 est une chose, d'autant plus qu'avec 2,3 % de l'ensemble des frappes, ce n'est pas la contribution canadienne qui fait une grande différence. Mais pour afficher sa solidarité avec ses alliés, il doit se montrer plus déterminé quant à sa volonté d'intensifier la formation des troupes locales : qui nos soldats vont-ils former, quand et comment ? Quels sont les risques ?

En l'absence de M. Trudeau, la question des réfugiés prend également de l'ampleur au pays. L'émotion suscitée par la mort du petit Aylan Kurdi cède le pas à un vent d'inquiétude auquel font écho des élus. On assiste à un sentiment de repli, laissant le champ libre aux spéculations, toujours mauvaises conseillères.

Il est temps d'avoir une vision claire et rassurante. M. Trudeau, revenez vite parler à vos compatriotes canadiens.