La vision cruelle, insoutenable, du petit Aylan Kurdi, mort noyé en quête d'une vie meilleure, est un électrochoc qui secoue jusqu'aux chefs en campagne électorale. Cela ne doit pas être qu'une passade.

La crise des migrants, devenue crise des réfugiés, se joue tristement au grand jour depuis des mois. Des années. Elle s'amplifie et se gonfle, comme les vagues sur lesquelles s'embarquent des milliers de personnes en remettant leur destin entre les mains de passeurs sans scrupules, les entassant comme du bétail sur des rafiots, parce que la mort ne peut pas être pire que la vie. Leur vie.

Le monde n'a jamais compté autant de réfugiés depuis la Deuxième Guerre. Ils fuient la misère, la pauvreté, la guerre. Près de 12 millions d'entre eux sont des Syriens, soit la moitié de la population du pays devenu ruines.

Jusqu'à mercredi, jusqu'à ce que la photo d'un petit corps inerte, face contre sable sur la rive, fasse le tour du monde, le Canada regardait la crise de loin. Comme si le problème était surtout celui de l'Europe. Comme si les océans bordant son territoire faisaient écran, au même titre que les barbelés érigés par certains pays pour repousser l'afflux de réfugiés.

Il serait faux, toutefois,  de penser que le Canada ne fait rien. Sa contribution dépasse celle de plusieurs autres pays occidentaux. Le problème, c'est que ce n'est pas suffisant.

Sous le gouvernement Harper, le resserrement des règles pour les réfugiés a également rendu la tâche plus complexe. Depuis le début de l'année, à peine 2000 Syriens - un chiffre bien en deçà des objectifs - ont trouvé au Canada une nouvelle terre d'accueil.

Le Canada participe aussi à l'aide humanitaire dans les camps de réfugiés. Mais ce n'est pas une avenue à long terme. La moitié des 4,1 millions de Syriens qui s'y entassent ont moins de 18 ans. Sans éducation, sans avenir, que peuvent-ils espérer ?

L'idéal, bien sûr, serait qu'ils vivent chez eux. Mais comme il n'existe pas de solution simpliste pour mettre fin à la violence et au chaos, l'Occident doit leur ouvrir ses portes.

Augmenter la cadence d'accueil des réfugiés a un coût économique pour le Canada. Des programmes doivent être mis en place pour les intégrer et leur permettre de refaire leur vie.

C'est possible. Qu'on se rappelle le drame des « Boat People » dont personne ne voulait. Il a fallu un naufrage avec des centaines de morts pour éveiller les consciences. Entre 1979 et 1980, le Canada avait alors accueilli près de 60 000 réfugiés provenant du Laos, du Cambodge et du Viêtnam.

Aujourd'hui, les enfants de ces réfugiés sont des Canadiens accomplis, des ingénieurs, des médecins, des enseignants. Pourquoi ne pourrait-on pas faire de même à nouveau ?

Face à une crise comme celle des réfugiés, la raison - souvent économique - doit céder le pas à l'humanisme.