Certaines situations nous appellent à faire preuve d'humanité. Comment justifier que des femmes enceintes vivant au Québec n'aient pas accès à un suivi médical, faute d'argent, et qu'elles doivent monnayer leur accouchement ?

Ce marchandage périnatal, mis en lumière dans un dossier de notre collègue Anabelle Nicoud, est troublant.

Des femmes au statut migratoire précaire, qui n'ont donc pas droit à la couverture de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, ne bénéficient pas des soins requis pendant leur grossesse.

Certains hôpitaux exigent un dépôt de plus de 10 000 $ avant d'accepter de les prendre en charge jusqu'à l'accouchement. Ces établissements veulent sans doute éviter des abus. Au cours des dernières années, le tourisme obstétrical a fait en sorte que des étrangères sont venues accoucher ici pour que leurs bébés aient la nationalité canadienne. Certaines sont reparties en laissant des factures impayées.

Il ne s'agit pas de cela. En raison de leur statut migratoire précaire, des résidentes du Québec bénéficient de soins de moins bonne qualité pendant leur grossesse. Des études ont démontré qu'elles sont prises en charge à un stade plus avancé (26 semaines en moyenne au lieu de 12) et qu'elles passent moins de tests sanguins, d'échographies ou de dépistages génétiques.

Ce manque de suivi, accentué par les exigences monétaires des hôpitaux, augmente les risques de complications à l'accouchement, tant pour la mère que pour le bébé. Comme les hôpitaux n'ont pas le droit de refuser une femme sur le point d'accoucher, on peut se poser la question : n'est-il pas plus coûteux et risqué de prendre en charge une femme qui n'a fait l'objet d'aucun suivi médical ?

On s'étonne aussi de constater que la facture pour l'accouchement et l'hospitalisation des mères varie de quelques milliers de dollars d'un hôpital à l'autre. Le ministère suggère de surfacturer à 200 % les soins non assurés par la RAMQ, mais laisse aux établissements le soin de fixer leurs tarifs, ce qui laisse place à beaucoup de disparité.

La rémunération des médecins suscite aussi des questions. Les fédérations médicales proposent une grille tarifaire pour les services non assurés, mais chaque médecin facture le montant qu'il désire.

Certains exigent jusqu'à 3 500 $, payables dès les premiers rendez-vous, pour le suivi de grossesse et l'accouchement. Des anesthésistes refusent d'administrer la péridurale parce qu'ils ne sont pas payés comptant, sur-le-champ. Ces situations contreviennent au code de déontologie, mais se produisent en toute impunité.

La ligne est difficile à tracer quand les questions financières, éthiques et médicales s'entrecroisent. Québec et le Collège des médecins devraient imposer une structure et des balises claires pour éviter la confusion et l'imprévisibilité des coûts qui existent actuellement. Une considération devrait nous guider : c'est de la santé de femmes enceintes et de bébés à naître dont il s'agit.