«Ce n'est pas seulement la victoire du Brésil, mais celle de tout le football.» L'euphorie collective qui a suivi cette déclaration de l'ancien président Lula lors de l'attribution de la Coupe du monde de soccer a malheureusement laissé place, sept ans plus tard, à la triste illustration de la démesure.

Démesure dans les coûts qui dépasseront les 15 milliards, faisant du Mondial 2014 le plus coûteux à ce jour. Démesure dans l'étendue des projets, avec la construction et la rénovation de 12 stades dans autant de villes dont Manaus, en pleine Amazonie. Démesure parce que plusieurs chantiers ne seront pas complétés à temps.

Dans un pays où les infrastructures en santé et en éducation sont si mal en point qu'il manque d'équipements et de professionnels, l'argent aurait pu être mieux investi.

Les inégalités sont criantes. Près de 15% de la population s'entasse dans des favelas à l'ombre des quartiers riches. La criminalité et la violence sont en hausse. Le coût de la vie a grimpé en flèche.

Il n'est pas étonnant que la colère, l'amertume et la désillusion aient pris le pas sur l'allégresse chez les Brésiliens, pourtant passionnés de soccer.

À quelques jours du coup d'envoi, la grand-messe du ballon rond est devenue le symbole de la révolte.

Le gouvernement promet l'affluence de touristes et des retombées économiques importantes au pays des Pelé et Ronaldo. Mais on peut craindre qu'il ne reste plus qu'un gros éléphant blanc une fois la fête terminée. Les Brésiliens en sont conscients.

Ce n'est pas la première fois que la désillusion succède à l'euphorie. Des stades construits pour la Coupe du monde de soccer de 2010, en Afrique du Sud, sont vides. Les installations des Jeux olympiques de Pékin, en 2008, sont à l'abandon. Et que restera-t-il, dans quelques années, des infrastructures des Jeux olympiques de Sotchi, qui ont battu tous les records en terme de dépenses?

Les événements sportifs internationaux deviennent le levier de pays émergents, leur donnant le prétexte pour bâtir les grands projets dont ils rêvent ou pour faire valoir leur potentiel au visage du monde.

Cette démesure contribue à dénaturer l'essence du sport. Elle est dénoncée de longue date, mais il faudrait être naïf pour croire que cela changera aisément.

La communauté internationale a une part de responsabilité, elle qui encourage cette démesure. À chaque Coupe du monde, à chaque Jeux olympiques, chacun se laisse envahir par la douce folie festive entourant l'événement, oubliant l'envers de la médaille, réclamant toujours un plus beau spectacle. L'illusion collective dure quelques semaines.

Mais qui s'en soucie? Après la fête, chacun est déjà occupé à regarder ailleurs, en direction du prochain championnat, du prochain festival de la dépense excessive.