On se demande ce qui est le plus révoltant. Que deux adolescentes indiennes soient violées puis pendues et que les policiers ferment les yeux, ou qu'ils répriment avec des canons à eau les manifestants - surtout des femmes - révoltés de voir leur inaction devant ce crime odieux?

Les choses devaient changer en Inde. Le pays a durci ses lois après la mort violente d'une étudiante de 23 ans en décembre 2012. Elle avait été battue et violée par un groupe d'hommes dans un bus de New Delhi.

Ce «viol de trop» avait suscité la colère et l'opprobre de la communauté internationale. Un an et demi plus tard, rien n'a vraiment changé. Quelque 25 000 viols sont commis annuellement, soit un toutes les 20 minutes.

En 2013, les médias ont rapporté le viol de deux touristes, celui d'une fillette de 5 ans morte de ses blessures, celui d'une photographe, celui d'une femme de 20 ans «condamnée» par le conseil de son village à un viol collectif parce qu'elle aimait un homme d'une autre communauté.

Puis ces deux cousines, violées et pendues à un manguier alors qu'elles se rendaient aux toilettes dans un champ. Comme la moitié de la population, leur logement n'a pas d'installations sanitaires, ce qui accentue le sentiment d'insécurité des femmes qui doivent alors sortir.

Les policiers auraient refusé d'intervenir parce que les deux jeunes filles appartenaient à une caste inférieure. L'indifférence conjuguée à ces crimes gratuits a suscité l'indignation.

La récente campagne électorale aurait dû être l'occasion d'aborder ce problème dans une société encore patriarcale. Ce ne fut pas le cas. Alors qu'un Indien sur cinq vit dans la pauvreté, le nouveau premier ministre, Narendra Modi, un nationaliste hindou, a seulement promis «des toilettes avant des temples».

Mulayam Singh Yadav, le chef du parti au pouvoir dans l'Uttar Pradesh, où plusieurs viols ont été commis, a quant à lui banalisé la situation en déclarant que «les hommes sont des hommes et commettent des erreurs.»

Confrontée aux violences sexuelles, l'Inde a eu le réflexe de resserrer les lois. C'est une partie de la solution. Comme c'est le cas ailleurs, le pays a aussi limité la liberté des femmes en les incitant à ne pas sortir et à voyager dans des wagons réservés. C'est un retour en arrière.

La clé repose plutôt dans l'éducation, au sens large. Dans un rapport traitant des violences sexuelles, l'Organisation mondiale de la santé souligne que le faible niveau d'instruction et l'acceptation des inégalités entre les hommes et les femmes constituent des facteurs de risque.

Il reste du travail à faire. Les sociétés évoluent à petits pas, comme nous le verrons demain.

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