Il y a des douleurs qui ne s'effacent pas. Polytechnique est l'une de celles-là. Deux décennies se sont écoulées et le souvenir est toujours aussi vif, indélébile.

Vingt ans plus tard, il est permis de se demander ce qui a changé, au Québec, depuis cette journée fatidique. Après une tragédie, on émet toujours le voeu que les victimes ne soient pas mortes en vain. On espère que la société tire au moins une leçon d'un tel gâchis.

 

Avons-nous tiré des leçons de Polytechnique?

Prenons le dossier des armes à feu. La facilité avec laquelle un individu vraiment déterminé peut s'en procurer une demeure troublante. Et voilà qu'on s'apprête à modifier les balises du registre des armes à feu. Seul héritage positif du drame de Polytechique, il avait été créé à la suite des pressions de Heidi Rathjen, elle-même étudiante à Poly au moment de la tuerie. Le gouvernement conservateur s'apprête à le charcuter et au Québec, l'indifférence est presque totale.

La place des femmes en génie maintenant. Après Polytechnique, les universités, craignant un backlash, avaient redoublé d'ardeur pour lancer un signal positif aux filles, leur répétant qu'elles étaient les bienvenues dans les facultés de science. Or le génie demeure un bastion masculin. Les filles ne représentent que 11% de l'ensemble des ingénieurs au Québec. Il y a toujours très peu de filles inscrites en génie. Un maigre 22% à Polytechnique l'an dernier.

Quant à la cause féministe, on peut dire qu'elle a pris une débarque monumentale après le 6 décembre 1989. En partie par la faute d'une poignée de féministes, c'est vrai. Certaines réactions hyperémotives, mais surtout extrémistes, ont fait beaucoup de tort aux relations homme-femmes dans l'esprit de plusieurs. Vingt ans plus tard, les mots d'une des étudiantes visées par le tueur de Polytechnique, le «Nous ne sommes pas des féministes» de Nathalie Provost, résonnent encore dans l'atmosphère. Des milliers de Québécoises en ont même fait leur credo. Et bien que des centaines de jeunes aient repris le flambeau, force est de constater que le mouvement des femmes au Québec a perdu son innocence ce jour-là. Depuis, être féministe est une étiquette beaucoup plus chargée, plus lourde à porter.

Le seul dossier qui semble avoir un tant soit peu évolué est celui de la violence faite aux femmes. Elle existe toujours, c'est vrai. Les statistiques montrent en outre qu'il y a davantage de cas que par le passé. La bonne nouvelle c'est que cette augmentation est due au fait que les femmes dénoncent davantage. Les études montrent aussi que les victimes de violence la subissent moins longtemps. Au moins une note positive. Car pour le reste, il n'y a pas beaucoup de raisons de se réjouir.

Les blessures de l'École polytechnique sont encore fraîches. Cicatriseront-elles un jour?

nathalie.collard@lapresse.ca