Dans Les enfants du palmarès (1), des parents paniqués à l'idée d'envoyer leur rejeton à l'école publique font tout en leur pouvoir pour qu'il soit accepté au privé. La documentariste Marie-Josée Cardinal voulait entre autres exposer l'effet pervers du palmarès de L'actualité sur l'estime de soi des enfants.

C'est à ces parents qui ont perdu confiance dans le «système» que s'adresse la Semaine pour l'école publique organisée par la Fédération autonome de l'enseignement (FAE).

La tâche est titanesque. En effet, les écoles publiques, dont plusieurs sont en piètre état, ne peuvent rivaliser avec les collèges privés logés dans des édifices magnifiques et, surtout, offrant un encadrement scolaire et disciplinaire plus serré. Peut-on blâmer les parents de vouloir offrir tout cela à leur enfant?

L'initiative de la FAE n'est pas une mauvaise idée. Le problème, c'est sa stratégie. En effet, les défenseurs du public sont incapables de ne pas s'attaquer aux parents qui font le choix du privé. Il y a quelques semaines, c'était la présidente de la Fédération des commissions scolaires, Josée Bouchard, qui prétendait que le choix du privé était avant tout une question d'image. Hier, le président de la FAE, Pierre St-Germain, en rajoutait en confiant à La Voix de l'Est: «Les parents qui font le choix d'envoyer leurs enfants au privé, ce sont ceux qui ne veulent pas que leurs enfants socialisent avec des jeunes de différents milieux.»

Ce n'est pas en les insultant qu'on ramènera les parents dans le giron du public.

Il serait plus constructif d'essayer d'améliorer le système actuel en s'attaquant, par exemple, à la sélection des élèves au privé. C'est ce que Jean-Pierre Proulx, ancien président du Conseil supérieur de l'éducation, a fait cet été dans les pages du Devoir. Il estime, avec raison, que «la lutte que mènent les acteurs du secteur public pour l'abolition des subventions au privé n'a guère de chances de réussir» - et propose plutôt la voie de la démocratisation du privé. M. Proulx suggère entre autres d'obliger les collèges privés à accepter les élèves en difficulté ou handicapés et d'établir un système de tirage au sort, plus équitable qu'une sélection sur la base de l'excellence. Il propose également d'offrir une aide financière aux familles démunies. Certains collèges le font déjà, mais la pratique devrait être étendue. Finalement, M. Proulx croit qu'on devrait refuser toute subvention aux établissements qui n'accepteraient pas les nouvelles règles du jeu.

Voilà des propositions qui doivent être explorées. Le privé a sa place dans notre système d'éducation et il a été démontré que l'abolition de ses subventions ne réglerait pas d'un coup de baguette magique tous les problèmes du public. Par contre, il est indéfendable que des établissements qui sont subventionnés par les deniers publics refusent les enfants de ceux qui le financent à même leurs impôts.

(1) Le film Les enfants du palmarès sera diffusé le 18 octobre à 19h au Canal D.