Tout n'est pas «bien qui finit bien».

Susan Boyle, cet te Écossaise de 48 ans révélée au monde entier grâce à sa voix superbe, n'a pas remporté la finale tant convoitée du jeu télévisé Britain's Got Talent.

Cette finale a eu lieu durant le week-end, au terme d'une semaine mouvementée au cours de laquelle on a pu constater à quel point la pression était forte sur cette femme que toute la planète a découverte en avril dernier. Les nombreux reportages faisant état de son agressivité, de ses sautes d'humeurs et de quelques jurons qu'elle aurait prononcés se sont multipliés, dévoilant un peu plus le côté sombre du conte de fées. On ne passe pas sans heurt de l'anonymat le plus complet à la reconnaissance internationale.

Du fin fond d'un petit village où elle coulait des jours tranquilles en compagnie de son chat, celle qu'on surnommait Susie Simple (l'équivalent de l'idiote du village) a été littéralement propulsée dans un tourbillon médiatique qui l'aura menée, notamment, chez Larry King et Oprah Winfrey. On serait ébranlé à moins.

Dans toute cette aventure, Susan Boyle aura perdu davantage que le premier prix dans un concours de talents. Depuis son interprétation épatante de I Dreamed a Dream, Susan Boyle s'est fait déposséder de son histoire personnelle. On sait désormais qu'elle a manqué d'oxygène à la naissance, qu'elle est chômeuse, vierge et qu'elle n'a jamais embrassé un homme, des détails lancés en pâture aux médias, qui les ont utilisés et ressassés sans scrupule. Au cours des dernières semaines, Susan Boyle est devenue l'équivalent d'une femme à barbe dans un cirque médiatique sans pitié.

Et que dire de la dignité de cette femme, qui n'a visiblement aucun proche pour la conseiller ? C'est le propre de la téléréalité que de prendre un individu et de le réduire à sa plus simple expression, de le transformer en stéréotype (la brute, la belle, l'intelligent). Dans le cas de Susan Boyle, c'est l'histoire de la moche qui a un don, une véritable voix d'ange. C'est sans aucun doute la partie la plus répugnante de toute cette histoire. Car elle s'appuie sur l'idée que les laids n'ont habituellement pas droit au talent et au succès. La réussite de cette femme dans une émission qui semblait avoir été arrangée avec le gars des vues du début à la fin relevait de l'inattendu, du spectaculaire, de l'exceptionnel. La revanche de la laissée-pour-compte.

Mais les efforts des producteurs Pygmalion, qui ont essayé de transformer Susan Boyle en lui achetant des vêtements au goût du jour, en lui épilant les sourcils et en lui teignant les cheveux, n'ont pas réussi à faire un cygne du vilain petit canard. C'est le chapitre le plus réjouissant de ce roman-savon: malgré toutes les tentatives, le personnage original et dérangeant qu'est Susan Boyle

refuse d'entrer dans la petite case qu'on voudrait lui assigner, de devenir une chanteuse à voix sage et lisse. En ce sens, sa deuxième position à Britain's Got Talent est une bonne nouvelle. Elle lui permettra peut-être de mettre fin au freak show des dernières semaines. C'est du moins ce qu'on lui souhaite.