De toutes les déclarations entendues à la suite de la mort tragique de trois piétons avant-hier, c'est sans doute celle du maire de Montréal, Gérald Tremblay, qui est la plus déconcertante. Revenant sur les deux incidents, il a déclaré que les camionneurs ET les piétons devaient faire preuve de prudence.

Pardon? Trois piétons viennent de mourir heurtés par de gros camions de déneigement et on nous dit que les piétons doivent être prudents?

 

La réalité, c'est que les piétons sont constamment en danger à Montréal. On les coupe, on les insulte, on fait semblant de ne pas les voir... On les éclabousse d'eau de pluie ou de gadoue, on les klaxonne, on les menace... Certes, les piétons traversent parfois la rue au feu rouge, ripostent les automobilistes. Pas surprenant puisque le nombre d'automobilistes qui brûlent un stop ou un feu rouge est effarant. Résultat, de plus en plus de piétons traversent quand la voie est libre, peu importe la couleur du feu.

Entendons-nous sur un point: la sécurité incombe d'abord et avant tout à celui ou à celle qui se trouve derrière un volant. C'est cette personne qui représente le danger, pas le piéton. Lorsqu'on conduit un véhicule qui pèse au moins 2000 kg, on a l'obligation d'être vigilant. Les piétons qui ont perdu la vie mardi ne s'étaient quand même pas lancés sous les roues des camions!

Il y a évidemment plus d'une raison qui explique ces deux accidents. Les rapports du coroner contiendront sans doute plusieurs recommandations. Cela dit, certains changements pourraient être effectués sans plus attendre. En effet, un rapport du coroner Jean Noël Goupil, en 2006, recommandait de mieux équiper les camions de déneigement afin d'améliorer la vision des chauffeurs. Trois ans plus tard, la majorité des entrepreneurs privés n'ont apporté aucune modification. Qu'attend-on?

On semble également s'entendre pour dire que la prime à la vitesse pour les déneigeurs augmente le risque d'accident. Encore une fois, une enquête déterminera les origines des deux accidents, mais il semble évident qu'un entrepreneur qui est rémunéré à la quantité de neige qu'il enlève aura tendance à agir rapidement. Nous avons tous déjà vu ces camions rouler comme des fous, brûler des feux rouges, reculer sans regarder. Une plus grande prudence s'impose de ce côté-là aussi. Ramasser la neige après une tempête, c'est important. Mais pas au risque de faucher des vies humaines.

Au-delà des recommandations ponctuelles, il reste que c'est toute la culture du partage de la chaussée montréalaise qui doit être revue et repensée.

La rue n'appartient pas qu'aux automobilistes et aux camionneurs. Montréal doit absolument multiplier les mesures d'apaisement de la circulation et appliquer une politique de tolérance zéro à l'endroit des conducteurs délinquants, qu'ils soient au volant d'une auto, d'un camion ou d'un autobus.

Marcher dans les rues de la ville en toute sécurité est un droit. Conduire un véhicule demeure un privilège.

nathalie.collard@lapresse.ca