Sous l'oeil scrutateur de tous les médias de la planète, on a remué ciel et terre - et on continue de le faire - pour retrouver les 239 passagers du Boeing 777 de la Malaysia Airlines qui s'est évanoui le 8 mars au-dessus de l'océan Indien. La même mobilisation internationale a suivi le naufrage au large des côtes de la Corée du Sud, il y a une semaine, du traversier Sewol transportant notamment 352 collégiens et collégiennes, dont environ la moitié ont jusqu'à maintenant été retrouvés sans vie dans les entrailles du navire.

Mais seuls le silence et l'abandon répondent à la disparition de plus de 200 écolières nigérianes victimes, non pas d'un terrible accident, mais d'un rapt planifié et délibéré. Celui-ci est attribué à la milice islamiste Boko Haram (traduction: «L'éducation occidentale est un péché»). Même les forces de sécurité du Nigeria semblent, en pratique, avoir renoncé à faire quoi que ce soit. Des parents ont donc eux-mêmes entrepris des recherches, prévenus qu'ils risquaient d'être tués s'ils s'aventuraient sans protection sur le territoire des fous d'Allah; ils n'ont rencontré ni militaires ni policiers (selon Associated Press)...

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L'enlèvement de masse s'est produit il y a 10 jours dans le nord-est du pays. C'était le lendemain d'un attentat à la bombe, signé Boko Haram lui aussi, qui a fait au moins 72 morts et des dizaines de blessés dans une gare d'autobus d'Abuja, la capitale.

Créé en 2002, prônant l'instauration de la charia, le groupe islamiste s'est maintes fois attaqué à des écoles: des dizaines ont été détruites. Il sévit aussi au Cameroun voisin où, début avril, il a enlevé une religieuse québécoise de 74 ans. Il a fait 1500 victimes depuis le début de l'année, en majorité des musulmans, comme c'est toujours le cas avec la terreur islamiste. Il a brûlé des villages entiers, forçant 750 000 personnes, surtout des paysans, à se déplacer.

Dans cette guerre, «ce sont les écoles, les enseignants et les enfants qui se trouvent au front», écrit The Guardian. Le journal britannique prévoit 10 ans de lutte au djihad dans ce pays de 170 millions d'habitants et riche en ressources où, en vertu d'un scénario trop connu, la violence fondée sur la déraison religieuse entrave le développement et sème la misère.

Qu'y faire? La situation n'est pas simple. Elle ne se résume pas à une lutte du Nord musulman contre le Sud chrétien: d'autres milices existent, souvent fortement armées, qui ne s'inscrivent pas dans ce schéma binaire. L'État et ses forces de sécurité, en position de faiblesse, ne sont pas sans reproches, ne serait-ce qu'au niveau de la corruption et du type de représailles auxquelles on a parfois recours.

Certains appellent à une intervention des États-Unis ou de la Grande-Bretagne - évidemment. Mais le bilan de telles interventions, ailleurs en terre musulmane, est-il si brillant?