Une photojournaliste allemande a été tuée et une journaliste canadienne grièvement blessée, hier, tombées sous les balles d'une AK-47. Anja Niedringhaus et Kathy Gannon participaient à un convoi protégé par les militaires et chargé de livrer des boîtes de scrutin dans le district de Tani, à 200 kilomètres de Kaboul.

Un homme s'est approché de la voiture immobilisée, a hurlé «Allah Akhbar!» et a tiré. Selon l'Associated Press, l'agence pour laquelle travaillaient les deux femmes, l'homme est un commandant d'unité des forces de sécurité afghanes.

C'est dans cette ambiance que 12 millions d'électeurs sont appelés aux urnes, aujourd'hui, afin de désigner le successeur d'Hamid Karzaï à la présidence de l'Afghanistan.

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Que peut-on espérer de cette troisième élection présidentielle depuis 2001 dans ce pays qui n'a à peu près jamais connu la paix? À l'ambiance incertaine qui s'incarne dans l'agression que nous venons de voir, il faut en effet ajouter des considérations qui n'incitent pas à l'optimisme.

D'abord, la sécurité, bien sûr.

Les talibans ont fait savoir qu'ils perturberaient le processus électoral. Ils ont déjà débuté. Plusieurs attentats ont été perpétrés pendant la campagne, dont l'un contre le ministère de l'Intérieur, à Kaboul, pourtant lourdement fortifié (six policiers tués). La caravane de deux des candidats a été attaquée. Et on prévoit que plus ou moins 10% des 6800 bureaux de scrutin ne pourront même pas être ouverts malgré la mobilisation de 200 000 policiers et militaires dont la fiabilité, nous venons aussi de le voir, est variable.

Ensuite, l'honnêteté du scrutin.

En 2009, ça avait été une catastrophe telle qu'Abdullah Abdullah, qui talonnait Hamid Karzaï au premier tour et est le favori en 2014, s'était retiré de la course devant l'ampleur de la fraude. Par exemple, 20 millions de cartes d'électeurs - anciennes, nouvelles ou forgées - seraient actuellement en circulation... Bref, on se contentera d'un scrutin tout juste suffisamment crédible pour que ses résultats ne soient pas immédiatement rejetés autant par les Afghans eux-mêmes que par la communauté internationale.

Enfin, il faut considérer les perspectives d'avenir.

Il y aura forcément un deuxième tour de scrutin, prévu en mai, puisqu'il est improbable que l'un des huit candidats à la présidence récolte 50% des voix s'exprimant aujourd'hui. Entretemps et par la suite, tout est possible. Le scénario du pire est celui d'un échec du processus électoral suivi d'un naufrage dans la guerre civile. On sait que les troupes étrangères pourraient se retirer presque complètement d'ici le début de 2015 alors qu'aucune entente de sécurité, pourtant négociée avec succès, n'est signée entre Kaboul et Washington - la faute en incombe à Karzaï.

Existe-t-il un scénario plus lumineux? On verra dans les prochains jours s'il sera possible d'en faire une ébauche.