Aussi loin qu'on remonte dans le temps, y a-t-il déjà eu un âge d'or pour les Ukrainiens? Une période où ils auraient joui de la prospérité promise par leurs richesses naturelles et par leur appartenance au continent européen? Et ce, dans un environnement politique stable, sans être soumis à une métropole étrangère?

Probablement pas.

L'Histoire a tendance à se répéter pour cette nation de 46 millions de citoyens (en fort déclin démographique) qui vit une autre ère de turbulences qu'on peut qualifier de post-soviétique.

À l'Est ainsi qu'en Crimée, où mouillent des bâtiments de la flotte impériale, de vieux Ukrainiens pro-russes sortent des boules à mites leur uniforme de l'Armée rouge. À l'Ouest, les manifestants, remarquables par leur discipline, se sont transformés en gardiens des édifices de l'État lorsque le pouvoir incarné par le président déchu, Viktor Ianoukovitch, s'est volatilisé... au propre comme au figuré!

On attend maintenant la suite. Laquelle, encore une fois, sera largement décidée de l'extérieur.

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D'abord, que fera Moscou?

Sa première réaction a été faite à la fois de colère et de retenue. Le premier ministre Dmitri Medvedev a parlé de la révolte comme étant une «mutinerie armée» et a exprimé des craintes pour la population russe (17%) vivant en Ukraine. Autour de lui, des propos plus colorés ont fusé, taxant la mouvance de la place de l'Indépendance de «terroriste» et de «fasciste». Néanmoins, on comprend que Vladimir Poutine ne compte pas utiliser la force.

D'ailleurs, pourquoi le ferait-il?

Les moyens qu'il a toujours à sa disposition pour faire pression sur l'éventuel nouveau pouvoir, en Ukraine, valent bien quelques divisions blindées.

Il y a l'énergie, d'abord, une arme que Moscou a déjà utilisée dans le passé, jonglant avec les tarifs ou fermant tout simplement le robinet: Kiev importe 80% de sa consommation de gaz naturel. Le commerce transfrontalier, ensuite: la Russie est évidemment le principal partenaire économique de l'Ukraine. Le fric, enfin: l'automne dernier, le tsar a consenti une «marge de crédit» de 15 milliards US... dont la plus grande partie est retenue pour l'instant.

En fait, c'est de 35 milliards US que l'Ukraine nouvelle - dut-elle advenir - a besoin à court terme pour fonctionner. Et c'est la réclamation qu'elle présente à la communauté internationale, nommément au Fonds monétaire international, à l'Union européenne, à Washington.

Pendant ce temps, le pays doit se réorganiser politiquement. Or, hier, on a renvoyé à plus tard la formation d'un gouvernement transitoire d'union nationale, ce qui représente certainement la première étape à franchir pour engager des pourparlers avec Moscou et avec l'Union européenne, en particulier.

La partie tragique de la «révolution» ukrainienne est peut-être terminée. Mais sa partie délicate, complexe et fastidieuse ne fait que débuter.